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« Ibni Oumar Mahamat Saleh est l’un des rares parmi les grands hommes mort pour le Tchad »

Charfadine Galmaye Salimi rend hommage à tous les tchadiens qui ont perdu la vie pendant les évènements du 3 février…

Charfadine Galmaye Salimi rend hommage à tous les tchadiens qui ont perdu la vie pendant les évènements du 3 février 2008. Tout en mettant un accent particulier sur le professeur Ibni Oumar Mahamat.

Mon hommage à tous les Tchadiens tués par la tyrannie ces trente dernières années. Mes pensés en ce jour de rappel à ceux qui nous ont quitté le durant les événements de Février 2008 ; pensée spéciale à un grand homme enlevé et tué ce jour funeste du 3 février 2008.

« Ibni », le plus présent de tous les absents.

Le Tchad a perdu tant de grands hommes ces cinquante dernières années, il serait très difficile et surtout injuste de citer quelques-uns mais on ne peut s’empêcher de penser à Maitre Behidi, à Togoïmi, à Bichara Digui ou encore au petit Abachou tué par la tyrannie lors des manifestations suivant le viol de Zouhoura. Cependant, le professeur Ibn Oumar Mahamat Saleh est l’un des rares parmi les grands hommes mort pour le Tchad à «revenir», constamment, chaque année. Pourquoi Ibni «revient» chaque Février ? Est-ce pour nous rappeler de toujours manquer à notre grand devoir ? Est-ce pour nous rappeler nos échecs ? Est ce pour nous rappeler nos lâchetés ? Ou tout simplement pour nous rappeler le chemin à suivre, et que c’est toujours possible ?

L’exercice est délicat mais j’essayerais de répondre à la question : Pour quoi Ibni «revient» ? Ibni « revient » tout simplement par ce qu’il est de cette classe d’hommes politiques et d’homme tout court qui disent ce qu’ils pensent et qui font ce qu’ils disent et qu’on vit dans un monde, dans un pays, où on dit rarement ce qu’on pense et faisons rarement ce que nous disons. Il fait aussi parti de ces hommes d’Etat qui peuvent faire fortune, non pas en flattant et courtisant les rois, mais tout simplement en faisant silence sur qui est, mais Ibni refuse. Malgré les tentations et les dangers, il dit ce qu’il pense et fait ce qu’il dit. C’est pour nous confronter à nos propres lâchetés, pour nous rappeler nos faiblesses, pour nous étaler nos divisions mesquines, et surtout pour nous rappeler ce qu’est devenu notre pays qu’Ibni « revient » sans cesse perturber nos sommeils et nous rappeler notre devoir premier : Un dévouement total et sans concession au Tchad et à son peuple.

Le professeur Ibn Oumar Mahamat Saleh avait tour à tour été un brillant étudiant, un enseignant dévoué, un fonctionnaire intègre, un homme d’Etat compétent et un politicien patriote et visionnaire. Ce sont les facettes multiples de ce grand homme qui nous hante. Ibni « revient » pour hanter tout ce beau monde. Il « revient » pour hanter le sommeil de certains étudiants Tchadiens de cette décennie : Sans ambition, passifs, formés au rabais et rarement engagés. Ibni hante les nuits de certains enseignants sans vocation et qui se détournent de leur objectif premier: Transmettre le savoir et former qualitativement les générations futurs. Ibni tourmente la conscience des fonctionnaires corrompus et oisifs. Ibn «revient» surtout pour hanter les nuits des hommes d’Etat et des politiciens d’aujourd’hui : des griots limités au ventre et sans pudeur ni principe.

Jusqu’au bout, le Professeur Ibni Oumar Mahamat Saleh, « Ibni » pour les intimes, la jeunesse et le peuple Tchadien, aura été fidèle à lui-même, fidèle à sa conscience et fidèle à ses principes. Ce grand homme, qui savait pourtant composer et ouvert au dialogue, n’a pas songer un seul instant à céder à la panique, à fuir ou à marchander avec qui que ça soit l’avenir du Tchad et sa vie en ce jour tragique du 02 Février 2008. « Je suis contre la prise de pouvoir par les armes mais je suis tout autant contre l’usage des armes pour garder le pouvoir ». Cette dernière profession de foi lancée aux Tchadiens dans un journal de la place au moment où les rebelles avançaient inéluctablement sur la capitale résume de manière sommaire ce qu’ont été la vie et le combat de cet homme d’Etat : Visionnaire et désintéressé, complexe et généreux, patriote et panafricaniste, et plus que tout attaché au Tchad et à son peuple.

Le professeur est né il y 71 ans dans la magnifique et cosmopolite ville de Biltine dans le grand Est du Tchad. Le futur porte parole de l’opposition a été certainement très tôt marqué par cette ville dans sa conception politique de la nation : Un pays pluriel et un peuple unit. De ses années de jeunesse au Lycée Franco-Arabe d’Abéché, par où sont passés nombre de futur cadre du pays et à ses années d’enseignant à l’Université du Tchad, il y a forgé sans l’ombre d’un doute des grandes convictions sur la nécessité de fonder un grand parti transcendant les différences régionales et religieuses. De cette grande réflexion naîtra en 1993 le Pld (Parti pour les Libertés et le Développement), grand parti qui formera un grand nombre de cadres de toutes les régions du Tchad ; cadres qu’il mettra sans hésiter au service du pays et à toutes les strates de l’appareil bureaucratique.

Malheureusement, ces cadres sont aussi connus pour leur ingratitude envers leur partie et son fondateur. Mais Ibni n’est pas du genre à se plaindre et en vouloir à ceux et celles, qui, en cours de route lui ont faussés compagnie. Envers eux, envers ces traîtres, il reste toujours par dédain et peut-être par mépris courtois et poli, comme pour leur afficher leurs faiblesses et leur lâcheté. Au delà des basses manœuvres politiciennes et des marchandages infâmes, Il est plus que tout conscient de la justesse et de la noblesse de la cause qu’il défend, et surtout, surtout la légitimité qu’une telle responsabilité confère et engage pour l’avenir.

Repose en paix Grand homme, ce que tu étais ne pouvait mourir, et « reviendra » toujours, et toujours hanter ennemis et amis. Et Dieu sait qu’il en a eu autant d’amis que d’ennemis en 30 années de carrière politique.

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