Le lundi 24 octobre 2022, le président de transition Mahamat Idriss Deby a prononcé un discours relatif aux manifestations du 20 octobre à l’origine de plus de 50 décès. L’intégralité du discours.
Tchadiennes, Tchadiens ;
Mes chers compatriotes. Des événements graves se sont passés les 20 et 21 octobre à N’Djamena, Moundou, Doba, Koumra et Sarh. Beaucoup de nos compatriotes y ont perdu la vie et d’autres blessés. Il y a eu des arrestations et la justice a été mise à contribution pour apporter l’éclairage nécessaire afin de situer les responsabilités. J’ai ressenti au plus profond de moi-même la douleur de cette souffrance qui ne saurait laisser indifférente toute personne douée de raison et d’humanité.
Ce ne sont pas des simples manifestations qui ont été maitrisées mais une vraie insurrection minutieusement planifiée pour créer le chaos dans le pays. A cet égard, je voudrais rendre un vibrant hommage au Gouvernement, les forces de l’ordre et toutes les parties mobilisées pour maitriser cette situation d’insurrection.
Les auteurs ont attaqué des commissariats de police, des domiciles des personnalités politiques, des sièges des partis. Ils ont pris pour cible des communautés, ont intimidé des personnes jugées hostiles ou neutres à leurs projets.
Ils ont brulé des véhicules et détruit des biens privés. Ils ont fait des chantages, exercé des violences sur des individus innocents. Ils ont tué sans hésiter des femmes et des hommes qui ne sont concernés en rien par les conflits politiques de notre pays. Je m’incline devant la mémoire des civils froidement tués et des éléments des forces de défense et de sécurité lâchement assassinés dans leurs casernes.
Tchadiennes, Tchadiens ;
Mes chers compatriotes.
Dans la vie d’une Nation, il est de moment où des événements aussi dramatiques soient-ils, doivent être expliqués dans la vérité. Ce qui s’est passé témoigne de la volonté manifeste de déclencher une guerre civile.
Dès le Décès du Président de la République, le Maréchal IDRISS DEBY ITNO, le Tchad s’est trouvé confronté à une situation sans direction politique, avec des institutions sérieusement menacées. IL y avait un risque d’aller tout droit dans le néant. Pour préserver le Tchad contre ces crises existentielles majeures (terrorisme, rébellions, affrontements intercommunautaires, effritement de l’État), le Conseil Militaire de Transition a été mis sur pied, dans l’urgence pour faire face à toutes ces menaces.
Dans le passé, le Tchad a connu des rebellions, des affrontements fratricides et une guerre civile sanglante où des acteurs politiques ont manipulé les populations pour les opposer en chrétiens contre musulmans, nordistes contre sudistes. De ces événements sanglants, les populations tchadiennes portent des traces douloureuses dans les mémoires, les consciences empoisonnant ainsi l’unité nationale et le vivre-ensemble.
Compte tenu de ces crises à répétition, je ne puis accepter que le Tchad replonge dans d’autres crises dangereuses à connotations religieuses, ethniques et régionales.
Tchadiennes, Tchadiens ;
Mes chers compatriotes.
Afin de prémunir le Tchad des fléaux du passé, j’ai maintenu le dialogue, les consultations permanentes avec les acteurs politiques et les leaders de la société civile.
A ce titre, j’ai reçu huit (08) fois depuis le début de la transition le Président du Parti les Transformateurs à sa demande.
Avant le Dialogue, le Président des Transformateurs m’a proposé pour les élections prochaines un ticket électoral c’est à dire un Président et un Vice-Président élus sur une même liste. Il renoncerait ainsi à la question de la non-éligibilité du PCMT.
J’ai rejeté ses propositions car toutes les lois et règles devant régir les futures élections devraient être discutées au Dialogue National.
Au cours de ces rencontres, un partage de 30% en faveur des transformateurs dans les postes politiques, administratifs et des sociétés publiques et parapubliques nous a été demandé. Cette proposition a été naturellement rejetée car elle devrait être le résultat des élections. C’est une proposition de partage de pouvoir avec les transformateurs qui exclut tous les autres acteurs politiques du pays.
A l’approche du Dialogue, j’ai demandé au Président des Transformateurs d’y prendre part. C’est dans ce Dialogue National que le consensus sera élaboré sur les institutions futures, les organes et les responsabilités politiques à y assumer. Le Président des Transformateurs a refusé catégorique de participer au dialogue.
Des efforts considérables ont été déployés pour convaincre le Chef des Transformateurs de faire ce choix de raison pour notre pays. A cet effet, le Comité des Sages et des Ainés, le Comité Adhoc du Présidium, les facilitateurs du Pré-dialogue de Doha et des diplomates occidentaux ont été mandatés. Les Transformateurs ont persisté dans leur refus.
Tchadiennes, Tchadiens ;
Mes chers compatriotes.
Lorsque le Dialogue a pris fin et qu’il faille designer les gestionnaires des conclusions de ces assises, le Président des Transformateurs a demandé à être nommé comme Premier Ministre de Transition et partager à hauteur de 30% les responsabilités dans la gestion de la Transition post-dialogue.
Accéder à cette demande aurait été renier les résolutions et recommandations du Dialogue National Inclusif et Souverain.
Dans l’esprit d’ouverture préconisé par le Dialogue, Le Premier Ministre et moi-même avons suggéré que les membres du Parti « les Transformateurs » participent au Gouvernement d’Union Nationale. Là aussi, nous avons enregistré encore un refus catégorique du Président des Transformateurs qui a exigé la Primature ou rien. Si j’avais accédé à cette demande, il n’y aurait ni manifestation ni toutes ces violences.
Comment un acteur politique qui a argué que le Dialogue n’était qu’un monologue, que les résolutions et les recommandations n’ont aucun sens pour lui, peut-il assumer la coordination de l’action d’un Gouvernement dont la première mission est l’application stricte du cahier de charges du Dialogue National Inclusif et Souverain ?
Tchadiennes, Tchadiens ;
Mes chers compatriotes.
Quant aux autres acteurs politiques qui ont pris part à ces évènements, ils ont une lourde responsabilité dans les tueries du 20 octobre 2022. Ils ont recruté et utilisé des groupes terroristes, paramilitaires pour opérer des assassinats gratuits de masse.
En ce qui concerne WAKIT TAMMA, j’ai reçu les responsables à cinq (05) reprises pour solliciter leur participation au Dialogue National Inclusif et Souverain.
Le CODNI leur a proposé des quotas pour leur participation à l’organisation et à la tenue du Dialogue. Lors de ces rencontres, je leur ai demandé que les manifestations doivent être suspendues pendant les assises.
Ils ont accepté cette proposition mais ont demandé de notre part une aide en échange. J’ai rejeté cette façon de marchander qui n’honore pas notre pays.
Les groupes Politico-militaires non-signataires des Accords de Doha, ont entretenu de relations directes avec les responsables de ces actes violents. Ils leur ont dit d’opposer une résistance de trois jours à l’issue de laquelle ils interviendraient.
Leur implication dans ces évènements tragiques ne souffre d’aucune ambiguïté.
Tchadiennes, Tchadiens ;
Mes chers compatriotes.
Dans notre passé récent, les intervenants extérieurs ont fourni des armes et donné de l’argent à des Tchadiens opportunistes qui n’ont pas hésité un seul instant à détruire notre pays pour satisfaire leurs intérêts personnels et répondre aux agendas étrangers. Aujourd’hui encore, des acteurs tchadiens ont sollicité le soutien des puissances étrangères pour que pression et chantage soient exercés sur moi afin d’accéder au pouvoir.
Dans cette perspective, le peuple tchadien est devenu un otage, une chose privée de certains acteurs politiques qui n’hésitent pas à le designer « mon peuple » afin d’être instrumentalisé et utilisé pour conquérir le pouvoir.
Tchadiennes, Tchadiens ;
Mes chers compatriotes.
Par ce que je suis responsable du Tchad, de l’unité de son peuple, de la sécurité de toutes ses populations, garant de notre souveraineté nationale, je n’accepterai pas que la nation soit divisée, le pays fragmenté et notre unité hypothéquée. J’utiliserai tous les moyens légaux à ma disposition pour empêcher ces projets néfastes pour notre pays.
J’ai instruit le Gouvernement de Transition pour que cette crise soit gérée dans la Justice en toute transparence et responsabilité. C’est ainsi que ce Gouvernement a pris des mesures conservatoires notamment le couvre-feu et la suspension des partis impliqués.
Tchadiennes, Tchadiens ;
Mes chers compatriotes.
Je continuerai à œuvrer pour un consensus national dans la gestion des affaires publiques en gardant toujours une ouverture aux acteurs politiques et mouvements armés qui ne sont pas encore intégrés dans le processus actuel.
J’estime que l’inclusivité doit être toujours de règle pour l’intérêt supérieur du Tchad dans la paix et la sécurité.
A nos partenaires et amis, un soutien inlassable et responsable est attendu pour consolider l’effort que les Tchadiens déploient pour la refondation de leur État et le vivre-ensemble. Tchadiennes, Tchadiens ;
Mes chers compatriotes.
Nous allons enterrer nos morts dans la douleur mais dans la dignité. Nous devons soigner nos blessés dans la solidarité. Un deuil de 7 jours sera observé sur toute l’étendue du territoire national à compter de mardi 25 octobre 2022 en mémoire de nos compatriotes morts au cours de ces évènements tragiques et regrettables.
Je vous demande de ne pas soutenir les divers projets qui menacent, dangereusement, notre pays, de rejeter toutes les manipulations extérieures, de défendre le Tchad, ce beau pays que nos aïeux nous ont légué.
Que Dieu nous bénisse dans notre diversité et notre effort de le défendre.
Vive la République Vive le Tchad.