Celle-ci fait suite à la baisse du prix du carburant observer depuis quelques semaines dans le pays.
Le Tchad est confronté depuis une semaine à une pénurie de carburant suite à la revue à la baisse par le gouvernement des prix des différents produits pétroliers. Cette décision, saluée par les consommateurs, a mis en colère les distributeurs qui ont décidé de fermer les stations-service.
Le 24 juillet 2018, le gouvernement a fait appliquer de nouveaux prix sur les carburants. L’essence doit être vendue à 518 francs CFA le litre dans les stations-service de N’Djamena, capitale du Tchad, le gasoil à 570 francs, le jet A1 à 550 francs et le pétrole lampant à 392 francs. Dans les autres localités du pays, les nouveaux prix sont ceux pratiqués dans la capitale majorés des frais de transport en valeur absolue.
Cette tarification a été édictée pour calmer les réactions et protestations des consommateurs (notamment des transporteurs routiers qui avaient cessé toute activité en mars) face aux prix imposés par la loi de finances 2018, entrée en vigueur le 1er janvier. En application de celle-ci, le gouvernement avait relevé, le 4 janvier, les prix pratiqués sur les hydrocarbures : le super et le gasoil, vendus respectivement à 523 francs et 568 francs le litre, avaient subi une hausse de 8,9% et 3,8%.
Si les nouveaux prix étaient applaudis par les consommateurs, ils ont été très mal accueillis par les acteurs du secteur de la distribution des carburants. Dès leur publication, ceux-ci sont montés au créneau pour dénoncer une décision unilatérale du gouvernement et des « erreurs graves » dans la nouvelle structure des prix qui feraient courir des risques majeurs à l’ensemble des acteurs de la distribution pétrolière. Selon eux, cette structure de prix ne permet pas aux transporteurs, aux marketeurs et aux distributeurs de super, gasoil et Jet A1 de couvrir leurs charges.
Avec les nouveaux prix, les distributeurs du pétrole affirment ne percevoir qu’une marge bénéficiaire de 8 francs CFA par litre sur l’essence et 6 francs CFA par litre sur le gasoil. Les transporteurs ont 3 francs/litre, les gérants 8 francs/litre sur le super ; 6 francs/litre sur le gasoil ; et les frais de dépôt sont fixés à 4 francs/litre.
Dans une correspondance adressée au ministre des Mines, du Développement industriel et commercial et de la Promotion du secteur privé le 24 juillet 2018, le syndicat des pétroliers déplorait que le gouvernement, en élaborant la nouvelle structure des prix pour réduire les tarifs de carburant à la pompe, a touché beaucoup plus les marges de bénéfice des autres acteurs, sans toucher ses taxes. Pour les pétroliers, s’il faut consentir un sacrifice, chaque partie doit faire des concessions pour juguler ensemble le phénomène de fraude des produits pétroliers qui envahissent le marché national.
« L’application intégrale de cette structure engendrera inéluctablement et indépendamment de leur volonté des ruptures en station, à l’aéroport, et des fermetures des dépôts et des stations-service », ont-ils prévenu.
Dès le 25 juillet, ils ont mis leur menace à exécution, refusant d’aller s’approvisionner à la raffinerie de Djarmaya, à une soixantaine de kilomètres au nord de la capitale. Depuis une semaine, tout le pays est plongé dans une pénurie sans précédent.
Devant l’attitude des pétroliers, l’Association pour la défense des droits des consommateurs (ADC) du Tchad a appelé les consommateurs à se réveiller de leur silence et leur passivité. « Le droit de boycott, arme du consommateur, doit être mis en action. Les consommateurs tchadiens ont été trop abusés par les hausses de prix imposées par les spéculations de certains opérateurs économiques avec la complicité des pouvoirs publics », a déclaré Daouda El-hadj Adam, secrétaire général de l’ADC.
Le gouvernement ne doit pas céder au chantage des marketeurs qui refusent de s’approvisionner en produits pétroliers depuis la raffinerie, et il doit utiliser tous les moyens pour assurer l’approvisionnement régulier des stations-service, a-t-il martelé.
Dans la capitale, les consommateurs sont contraints de se tourner à nouveau vers les vendeurs à la sauvette qui proposent de l’essence importée frauduleusement des pays voisins (Cameroun, Soudan et Libye). Depuis plusieurs mois, le marché tchadien des hydrocarbures était déjà envahi par ces produits pétroliers, vendus moins chers et accessibles partout.
La fermeture des stations-service fait les affaires des contrebandiers. Dans les rues, le prix du super ne cesse de grimper chaque jour et varie d’un endroit à un autre. Les automobilistes qui ont des véhicules à moteur diesel traversent la frontière pour s’approvisionner à Kousseri, ville camerounaise séparée par le fleuve Chari de la capitale tchadienne.
Mais cette vente frauduleuse du super n’est pas sans conséquence. Dimanche, dans une habitation du quartier Moursal, dans le 6e arrondissement de N’Djamena, une jeune femme et ses trois enfants sont morts dans un incendie provoqué par de l’essence stockée frauduleusement. Depuis cet incident déplorable, les agents de la police municipale et de la police nationale ont lancé une chasse impitoyable aux vendeurs clandestins.
Pour pallier la pénurie, la Société des hydrocarbures du Tchad (SHT) a réquisitionné six stations-service à travers la capitale. Devant ces stations-service, approvisionnées par des camions-citernes de l’armée, de longues files se forment toute la journée.