Présidence de la BAD : Abbas Tolli, ex-gouverneur de la BEAC est le premier candidat connu

Le mandat d’Akinwumi Adesina tend vers sa fin, les prétendants se positionnent pour prendre les rênes de cette institution stratégique dans un continent en pleine mutation économique.

Akinwumi Adesina, actuel président de la Banque africaine de développement, achèvera son deuxième mandat en 2025. Statutairement, il ne peut se représenter, ouvrant ainsi la voie à une compétition acharnée entre les candidats aspirant à sa succession.

Ayant achevé son mandat de sept ans en tant que gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) le 07 février 2024, Abbas Mahamat Tolli est désormais le premier à officialiser sa candidature pour se mettre à la tête de la BAD.

Lors de la session extraordinaire de la conférence des chefs d’État de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), tenue le 9 février 2024 par visioconférence, les leaders de cette espace communautaire ont validé la candidature d’Abbas Mahamat Tolli.

Après avoir obtenu l’aval de la Cemac, Abbas Mahamat Tolli devra conquérir les voix de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac). Ce bloc régional plus étendu, englobant non seulement la Cemac, mais aussi l’Angola, Sao Tomé et Principe, la RD Congo, le Rwanda et le Burundi, sera un terrain crucial pour sa candidature.

La BAD commencera à recevoir les candidatures après les assemblées de Nairobi en mai prochain. La campagne électorale débutera en février 2025.

Si Abbas Mahamat Tolli est élu, il deviendra le premier dirigeant originaire de la Cemac à prendre les rênes de cette institution panafricaine. En 2004, la CEMAC avait fait bloc en faveur du candidat gabonais Casimir Oyé Mba. Celui-ci avait échoué face au Rwandais Donald Keberuka.

 

Entre Abbas Mahamat Tolli et Hervé Ndoba, duel pour la succession à la BEAC

Le gouverneur tchadien vient d’obtenir un avis favorable du juge communautaire dans la confrontation qui l’oppose à l’argentier centrafricain à propos du controversé dossier du concours de recrutement de la BEAC. Enjeu d’une guerre qui promet d’autres épisodes, la désignation du prochain banquier central.

LE MATCH DE LA SEMAINE – Derrière son flegme habituel, Abbas Mahamat Tolli avait le triomphe modeste. « Personne n’est au-dessus de la loi. La justice s’est prononcée, il revient aux responsables d’en tirer les conséquences », lâchait le gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), le 15 décembre, en mettant un terme à la conférence de presse succédant au dernier comité de politique monétaire de l’année. Le Tchadien réagissait ainsi à une question sur l’usage qu’il ferait de l’avis – rendu le 16 novembre et qui lui est favorable – qu’il a sollicité de la Cour de justice de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) à propos d’une résolution prise par
les ministres des Finances, le 6 octobre, de suspendre le controversé concours de recrutement des cadres supérieurs de la banque centrale régionale et d’instruire un audit externe du processus.

« C’est suicidaire comme démarche, dans la mesure où il se met à dos le comité ministériel. Ce n’est qu’un avis qui ne remet pas en cause la décision des ministres », estime un haut fonctionnaire communautaire. Du fait du sommet entre les États-Unis et l’Afrique, à Washington mi-décembre, une passe d’armes entre le banquier central et les argentiers de la sous-région, qui pour la plupart accompagnaient leurs chefs d’État à ce rendez-vous américain, a été évitée le 13 décembre, à Douala. Mais la bataille mettant aux prises le gouverneur et le président du conseil d’administration de la BEAC, Hervé Ndoba, promet d’autres rebondissements.

Victime d’une « cabale »

Depuis le mois d’août, ce dernier, par ailleurs ministre des Finances et du Budget de Centrafrique, et le banquier central se livrent une guerre sans merci à propos de ce « scandale » du recrutement des agents d’encadrement supérieur de la banque centrale. Le premier milite clairement pour l’annulation du concours afin de sauver la réputation de l’institution, tandis que le second, excipant d’une attitude irréprochable, plaide pour la poursuite du processus. Le dernier épisode étant cette missive qu’Hervé Ndoba adresse le 21 octobre – soit deux semaines après l’assise ayant décidé de la suspension – à Abbas Tolli pour regretter que les résolutions et le communiqué final n’aient pas été portés à son attention pour signature, alors qu’à l’accoutumée, cela se fait dans les minutes qui suivent la fin des travaux.

Dans l’entourage du Tchadien, la cause de cette « cabale » dont il est la victime est à chercher dans l’adoption en avril par Bangui de la loi sur la cryptomonnaie. Un dossier susceptible d’ébranler les fondements de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (Umac) et sur lequel le banquier central n’a eu de cesse de se montrer inflexible. D’ailleurs, le groupe de travail qu’il a mis sur pied au sein de la BEAC pour réfléchir sur les implications d’une telle décision estime que l’adoption du Bitcoin instaure un « dualisme monétaire » dans la zone, en institutionnalisant un concurrent au franc CFA.

Bien qu’exclu du premier cercle qui gère le dossier de la cryptomonnaie à Bangui, il revenait à Hervé Ndoba d’affronter ses pairs de la Cemac avides d’explications. Et c’est peu dire que l’argentier centrafricain, tout président du comité ministériel de l’Umac qu’il soit, a souvent essuyé les flèches de ses collègues.

Game of thrones

Un autre sujet émerge en toile de fond de cette confrontation : Bangui compte sur cette affaire pour affaiblir davantage le Tchadien et amener ainsi les chefs d’État à écourter son bail qui s’achève en principe en avril 2024. « On sait dans l’entourage de Touadera que Abbas Tolli n’est plus en grâce à Ndjamena où on le soupçonne d’avoir des vues sur le trône. Il n’est donc pas certain qu’il bénéficierait du soutien de son cousin [Mahamat Deby Itno, NDLR] si la question de son maintien venait à se poser », glisse un cadre de la banque centrale. Si tel est le cas, un de ses compatriotes devrait achever son mandat ou alors les chefs d’État pourraient en décider autrement

Une option qui ne déplairait pas à Hervé Ndoba. En vertu du principe de la rotation, auquel s’ajoute la règle selon laquelle le pays abritant le siège d’une institution communautaire ne peut désigner un de ses ressortissants à sa tête, le poste de gouverneur va échoir, non pas au Cameroun – le siège de la BEAC se trouvant à Yaoundé –, mais à la Centrafrique à la fin du mandat de Abbas Tolli. « Ndoba ne cache plus son désir de récupérer ce strapontin lucratif et fait des pieds et des mains après de Touadera », soutient notre haut fonctionnaire

En attendant que le prochain sommet des chefs d’États de la Cemac puisse trancher, les protagonistes croiseront encore le fer dans les prochains jours sur le sort à réserver à l’avis du juge communautaire. Une opportunité pour Hervé Ndoba et ses pairs de laver l’affront fait par Tolli ?

Jeune Afrique

Makaila N’Guebla poursuivi en France

Le blogueur tchadien est convoqué par la justice française après la publication en 2017, d’un article sur un neveu du président Idriss Deby.

Ce journaliste et blogueur tchadien est réfugié politique en France depuis 2013, « après avoir été expulsé du Sénégal », selon lui. Il est convoqué mardi prochain devant la justice française pour « diffamation ». Une convocation qui arrive après la publication en 2017 sur son site d’information d’un article sur un neveu du président tchadien.

Makaila N’Guebla, 48 ans, est le rédacteur en chef du site d’information « Makaila.fr », créé en 2007 et qui se présente comme « un site d’informations indépendant et d’actualités sur le Tchad, l’Afrique et le monde ».

« La vocation du site est de présenter des analyses personnelles et des billets de contributeurs basés au Tchad », explique N’Guebla. Le 10 novembre 2017, le site publie un billet envoyé par un contributeur à propos d’Abbas Mahamat Tolli, neveu du président tchadien Idriss Déby Itno.

Selon N’Guebla, dans cet article, le contributeur « révèle les pratiques de favoritisme récurrent au Tchad » et « impute à M. Abbas Tolli d’avoir placé des personnes à des postes à responsabilité lorsqu’il était successivement, ministre des Finances, directeur des Douanes, directeur de cabinet à la présidence et d’autres postes à responsabilités » au Tchad. Tolli est actuellement gouverneur de la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC).

Selon le blogueur, un droit de réponse émanant d’avocats de M. Tolli « a été publié quelques jours après ce billet » sur son site, et le billet et le droit de réponse ont été retirés définitivement du site trois mois plus tard.

Un cabinet d’avocats parisien a ensuite porté plainte au nom de M. Tolli devant la justice française contre le site de Makaila N’Guebla pour « propos diffamatoires ».

Le journaliste affirme avoir depuis été « convoqué » en « novembre 2018 par la préfecture de police de Paris » et « le 3 juin 2019 » puis « le 8 août 2019 par le tribunal de grande instance de Paris ».

Il doit comparaître mardi pour une audience de procédure devant la chambre de la presse du tribunal correctionnel de Paris. Son procès pourrait être audiencé dans plus d’un an au vu des délais de cette chambre.

« Je suis serein car je suis en France et cela me donne le droit de m’exprimer, chose que je n’aurais pas pu faire au Tchad dans le contexte actuel », a-t-il dit à l’AFP.

Dans un communiqué, la Convention tchadienne de défense des droits de l’Homme (CTDDH) a dénoncé « le harcèlement judiciaire » dont fait l’objet, selon elle, en France ce journaliste tchadien. L’organisation se dit « solidaire » du blogueur qui « fait partie des journalistes à l’avant-garde du combat contre l’arbitraire, l’injustice et les méthodes mafieuses érigées en système de gouvernance au Tchad ».