Dans plusieurs pays d’Afrique centrale, le masque devient obligatoire

Dans plusieurs pays d’Afrique centrale, le port du masque est devenu obligatoire dans l’espace public afin de freiner la propagation du nouveau coronavirus, ont annoncé ces derniers jours leurs gouvernements.

Au Gabon, le masque est obligatoire depuis mercredi matin, tout comme en Guinée équatoriale, qui demande aussi à ses citoyens de porter des gants lors de leur sortie.

Conscient de la difficulté des Gabonais à se procurer des masques médicaux, Libreville a recommandé à ses citoyens le port « du masque alternatif ». De nombreux ateliers de couture au Gabon et ailleurs se sont mis à produire des masques en tissu, moins efficaces mais qui limitent toutefois la propagation du virus.

Lundi, le gouvernement tchadien avait également décrété le port obligatoire du masque sur son territoire avant de revenir sur sa décision le lendemain à cause du manque d’offre sur le marché.

Le Cameroun – l’un des pays les plus touchés par le virus en Afrique avec 855 cas déclarés officiellement mercredi – avait déjà adopté cette mesure jeudi dernier.

Dans ces pays d’Afrique centrale, ces dispositions s’ajoutent à celles déjà prises, comme l’instauration de couvre-feux nocturnes, la fermeture des écoles, des frontières et des lieux de culte ainsi que les restrictions sur les rassemblements.

Libreville, la capitale du Gabon, et ses environs sont également confinés depuis lundi pour 14 jours.

L’Afrique reste pour l’heure relativement moins touchée par l’épidémie. Mais de nombreux experts continuent de redouter une catastrophe sanitaire sur ce continent pauvre et aux systèmes de santé défaillants.

L’Ethiopie veut fermer un camp de réfugiés érythréens malgré l’épidémie de coronavirus

L’Ethiopie s’apprête à fermer un camp de réfugiés érythréens et à réinstaller des milliers d’entre eux dans des camps, selon l’ONU, déjà pleins, malgré les craintes qu’une telle opération puisse les rendre plus vulnérables au coronavirus.

Le camp de Hitsats est l’un des quatre camps de la région du Tigré (nord), qui abritent au total près de 100.000 réfugiés venus d’Erythrée, selon l’agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), sur plus de 170.000 réfugiés érythréens dans tout le pays.

Début mars, les responsables éthiopiens avaient informé le HCR de leur intention de fermer Hitsats, dans le cadre d’un plan de restructuration, mais ce plan a été retardé après que l’Ethiopie a enregistré ses premiers cas de Covid-19 à la mi-mars.

Les préparatifs pour la fermeture du camp de Hitsats se sont cependant poursuivis. Les réinstallations pourraient commencer d’ici fin avril, a déclaré cette semaine à l’AFP le directeur général adjoint de l’Agence éthiopienne pour les réfugiés et les rapatriés, Eyob Awoke.

« Nous sommes prêts à commencer. Mais nous ne pouvons pas commencer avec un grand nombre (de réfugiés). Nous pouvons commencer avec un petit nombre », a-t-il dit. « Nous pouvons même commencer avant la fin de ce mois », a ajouté M. Eyob.

Les réfugiés de Hitsats pourront se réinstaller dans deux autres camps ou obtenir un permis pour vivre et travailler de manière indépendante en Éthiopie.

La décision de fermer Hitsats – qui, selon le gouvernement, abrite 13.022 réfugiés – est en partie liée aux coupes budgétaires du HCR, a déclaré M. Eyob. Le gouvernement pense aussi qu’il peut mieux accueillir les réfugiés en restructurant les camps du Tigré, a-t-il ajouté.

– Peur et confusion –

L’Ethiopie a commencé l’année avec une réduction de 14% du financement de l’organisation mais cela ne justifie pas la fermeture d’un camp, a déclaré à l’AFP Ann Encontre, représentante du HCR en Ethiopie.

Déplacer les réfugiés de Hitsats vers les autres camps de la région du Tigré les rendrait « sans aucun doute » plus vulnérables au Covid-19, a-t-elle ajouté.

Dans les deux autres camps, « il n’y a pas assez d’eau, il n’y a pas assez d’installations sanitaires, il n’y a pas assez de services médicaux et de santé », a précisé Mme Encontre. « Il n’y a pas assez d’installations et d’abris pour un afflux aussi important » de réfugiés.

L’Ethiopie a jusqu’à présent rapporté 92 cas de Covid-19, aucun d’entre eux dans les camps de réfugiés.

Le système de service national obligatoire en Erythrée a conduit à décrire ce pays comme étant une « prison en plein air », semblable à la Corée du Nord.

Une guerre frontalière, qui a éclaté en 1998 entre l’Éthiopie et l’Érythrée, a fait des dizaines de milliers de morts.

Le président érythréen Issaias Afeworki et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed ont conclu un accord de paix surprise en 2018, mais aucun signe de réforme politique n’a été observé en Érythrée depuis, et les demandeurs d’asile continuent d’affluer en Éthiopie, en franchissant la frontière entre les deux pays.

L’Ethiopie a récemment changé sa politique d’asile envers les Erythréens: elle ne leur accorde plus automatiquement le statut de réfugié mais examine les dossiers au cas par cas.

Pour M. Eyob, de nombreux Erythréens venus s’installer en Ethiopie ne remplissaient pas les critères de l’asile politique.

« Certains d’entre eux viennent vivre en Ethiopie simplement parce qu’ils jugent leurs conditions de vie difficiles en Erythrée », a-t-il fait valoir.

Selon Mme Encontre, cette nouvelle politique a conduit à une diminution du nombre d’enregistrements de nouveaux réfugiés érythréens.

Pour Laetitia Bader, chercheuse pour l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch, la nouvelle approche du gouvernement de M. Abyi envers les réfugiés érythréens « crée de la peur et de la confusion » dans leurs rangs.

« Le gouvernement doit faire en sorte d’annoncer publiquement et d’expliquer tout changement de doctrine, et également doit engager de vraies consultations avec les communautés de réfugiés et les acteurs humanitaires », a-t-elle plaidé.

Coronavirus au Nigeria: 18 personnes tuées par les forces de sécurité depuis fin mars

Les forces de sécurité ont tué 18 personnes depuis fin mars au Nigeria, accusées de ne pas avoir respecté les mesures de confinement pour tenter d’enrayer l’épidémie de coronavirus, presque impossibles à appliquer pour les plus pauvres.

La commission nationale de surveillance des droits de l’Homme a enregistré 105 actes de violations des droits de l’Homme « perpétrés par les forces de l’ordre » et « 18 personnes tuées » dans des exécutions extra-judiciaires, dans un rapport publié mercredi soir.

Cet organe officiel a accusé les forces de sécurité d’un « usage disproportionné de la force, d’abus de pouvoir, de corruption et de non-respect des lois nationales et internationales ».

Le nombre de personnes tuées par les forces de sécurité est plus élevé que celui des victimes décédées du coronavirus au Nigeria où 407 cas ont été recensés, dont 12 morts.

Depuis le 31 mars, de nombreux Etats au Nigeria ont adopté des mesures de confinement, particulièrement strictes à Lagos, Abuja ou dans l’Etat d’Ogun, où la population a l’obligation de rester à la maison, sauf pour acheter de la nourriture un jour sur deux.

Des vidéos de violences policières postées sur les réseaux sociaux, où l’on voit des policiers détruire des étals de marché, ou encore tabasser la population ont fait scandale dans le pays, où les forces de sécurité sont régulièrement accusées d’abus de pouvoir et de corruption.

Segun Awosanya, à la tête d’une puissante organisation de la société civile de surveillance des violences policières (Social Intervention Advocacy Foundation, SIAF) a également dénombré 18 morts depuis le début du confinement.

Deux personnes ont notamment été tuées mercredi dans l’Etat d’Anambra (sud-est) et un chauffeur de poids-lourd transportant de la nourriture dans l’Etat d’Abia (sud-est) a été abattu, vraisemblablement pour avoir refusé de donner un pot-de-vin au barrage de la Nigerian Civil Defense Corps, l’une des nombreuses agences de sécurité dans le pays, selon des témoins.

« Mais il pourrait y en avoir bien plus », explique à l’AFP M. Awosanya, aussi connu sous le nom de « Sega l’Eveilleur ». « Ca, ce ne sont que les cas qui nous sont signalés par les familles ».

La SIAF travaille ensuite avec la police pour procéder à une enquête interne. « Nous avons vu une explosion des plaintes depuis 15 jours, et particulièrement de gens arrêtés et emmenés au poste », poursuit l’activiste.

– Très tendu –

« Tout le monde est très tendu. La police et les agences de sécurité qui n’ont pas d’équipement pour se protéger du virus, aucune sécurité, aucune logistique pour se défendre contre la criminalité qui a très fortement augmenté aussi », concède « Sega l’Eveilleur ».

Interrogé par l’AFP, le porte-parole de la police Frank Mba a regretté que « la commission reste trop générale dans ses accusations ».

Elle « aurait du donner des détails sur ceux qui ont été tués par la police, leur nombre exact, leur nom et le lieu de l’incident, ainsi nous pourrions prendre des sanctions adéquates », a-t-il déclaré à l’AFP.

Il a affirmé que les membres des forces de police coupables d’abus seront punis.

Le Nigeria compte le plus grand nombre de personnes vivant sous le seuil de l’extrême pauvreté au monde (plus de 87 millions en 2018), selon l’organisation World Poverty Clock.

Les rares aides gouvernementales ne parviennent à calmer ni la faim ni la colère de la population, et la Banque mondiale a mis en garde la semaine dernière contre un risque de « crise alimentaire » en Afrique.

La question d’un confinement stricte et obligatoire a soulevé de très nombreuses interrogations et critiques en Afrique sub-saharienne où la grande majorité de la population dépend de l’économie informelle pour se nourrir et où même la petite classe moyenne ne dispose pas d’économies suffisantes pour vivre sans travailler.

De nombreux incidents ont été recensés sur le continent depuis ces dernières semaines.

La police sud-africaine a dispersé mardi par des tirs de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes des habitants affamés d’une banlieue pauvre du Cap (sud-ouest), furieux de ne pas avoir reçu de distributions alimentaires.

Moratoire sur la dette des pays pauvres: un geste positif, mais très insuffisant pour l’Afrique

Un geste positif mais il faudra aller beaucoup plus loin: c’est l’avis largement partagé en Afrique après l’annonce d’un moratoire sur la dette pour aider les pays pauvres à faire face à la pandémie de coronavirus et à son impact dévastateur.

« C’est une bouffée d’oxygène », estime Qutes Hassane Boukar, responsable de l’Analyse budgétaire d’Alernative espace citoyen (AEC), une des plus importantes ONG du Niger, après la décision du G20 mercredi de suspendre pour un an le service de la dette pour les pays les plus pauvres, dont une quarantaine de pays africains.

« Il y a beaucoup de dépenses prévues dans le cadre de la lutte contre la pandémie du coronavirus, le fait qu’il y ait un moratoire permet à ces Etats de mobiliser les ressources qu’ils auraient pu engager pour rembourser la dette publique », explique M. Bukar.

L’Afrique est encore relativement peu touchée par l’épidémie, selon les bilans officiels, mais l’on craint une flambée de la maladie sur un continent où les systèmes de santé sont notoirement insuffisants, ainsi que des conséquences économiques dévastatrices.

La Banque Mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) ont averti que l’Afrique subsaharienne connaitra en 2020 sa première récession économique généralisée depuis 25 ans.

« Cette suspension de dette va permettre au pays africains de respirer un peu, mais elle ne vaut pas annulation », souligne Djidénou Kpoton, analyste économique béninois.

Le moratoire sur la dette des pays pauvres devrait « libérer 20 milliards de dollars », a précisé mercredi le ministre des Finances saoudien Mohammed al-Jadaan à l’issue du G20. L’endettement total du continent africain est estimé à 365 milliards de dollars, dont environ un tiers dû à la Chine.

Le moratoire « va permettre aux économies africaines de ne pas plonger dans l’immédiat, mais si on ne trouve pas d’autres solutions on va à la catastrophe », juge l’économiste ivoirien Jean Alabro.

– « Une insulte » –

« La plupart de nos économies dépendent de l’extérieur. Les deux tiers des exportations sont des matières premières ou des produits semi-finis. Or la demande internationale va s’effondrer et les prix avec », avertit l’économiste sénégalais Demba Moussa Dembélé, directeur du Forum africain des alternatives.

« La décision du G20 est ridicule, ce n’est pas à la hauteur de la situation. C’est une insulte à l’égard des pays pauvres », affirme-t-il.

Plutôt qu’un simple sursis pour les remboursements, économistes et acteurs de la société civile réclament une annulation complète des dettes.

En effet le moratoire « ne permet ni d’enclencher un cercle vertueux ni de donner un coup d’arrêt au processus d’endettement chronique des pays africains », explique Christian Abouta, évaluateur des politiques publiques au Bénin.

Pour l’économiste congolais Noël Magloire Ndoba, « c’est une manœuvre cosmétique (…) le vrai problème est celui de la dette en tant que telle, il faut l’annuler purement et simplement ».

Annuler, oui, mais « sous réserve de réformes majeures. Car tant que nous avons des dirigeants qui confondent leur poche et la poche du pays, peu importe le nombre de moratoires ou d’annulations de dette, ça ne changera rien », fulmine l’opposant tchadien Masra Succès, président du Parti Les Transformateurs.

Au delà des questions de la dette et de la mauvaise gouvernance, qui sont cruciales, il faut aussi réformer en profondeur les économies africaines pour qu’elles soient moins dépendantes des marchés mondiaux et plus résilientes face aux crises, analyse Jean Alabro.

« Aujourd’hui les ministres des Finances africains sont considérés comme bons quand ils arrivent à emprunter de l’argent. Il faut qu’ils s’intéressent davantage à favoriser les entreprises locales plutôt que les multinationales, pour promouvoir la production locale et pour créer des emplois. Les dirigeants africains doivent bâtir des économies tournées vers l’intérêt des populations », conclut-il.

En Guinée, un barrage géant engloutit les terres ancestrales de milliers de paysans

Vêtu d’un boubou traditionnel, Naby Soumah observe sombrement la masse grise à l’horizon. Construit sur fonds chinois dans le centre de la Guinée, le barrage de Souapiti doit fournir en électricité un pays qui en manque cruellement, inondant au passage les terres ancestrales de milliers de paysans.

« Ici, il n’y a pas de commerçants ou d’intellectuels. Nos enfants qui ont fait des études ne trouvent pas d’emploi. Nous vivons de cette terre », explique, adossé à un manguier, l’aîné du village de Bouramaya Sousou.

Il promène son regard sur un champ d’arachide dévasté lorsque les ingénieurs du barrage ont fermé les vannes et inondé les terres alentour, lors d’un essai à quelques mois de la date prévue pour sa mise en service, en principe d’ici à la fin de l’année.

« Nous avons faim », dit le vieil homme.

Les habitants des villages proches du barrage, le plus grand d’Afrique de l’Ouest, ne pourront pas rester.

Certains ont déjà été déplacés vers de nouvelles implantations, plus modernes que leurs huttes de terre crue. Mais ils manquent de terres pour les cultures ou le bétail. Beaucoup ont dit à l’AFP peiner à se nourrir. Ils se plaignent aussi de ne pas avoir été dédommagés.

Paradoxalement, ils souffrent d’un manque d’eau. Dans le nouveau village Madina Tayire, ils sont une dizaine à attendre pour se servir à l’unique robinet en face de la mosquée.

« Ils n’ont rien prévu pour nous. Les gens ici sont excessivement pauvres. Qu’est-ce que ça va être dans 10 ans ? C’est une bombe », explique le porte-parole de l’Union pour la défense des sinistrés de Souapiti, Oumar Aïssata Camara.

– Reconstruire sa vie –

Le barrage, un ouvrage d’un kilomètre de long et de 120 mètres de haut, aura bientôt une capacité de 450 mégawatts, de quoi en principe répondre aux besoins en électricité de la Guinée, où les coupures sont monnaie courante, et même d’en exporter vers les pays voisins.

Cette construction pharaonique est l’un des grands projets du président Alpha Condé, en butte depuis six mois à une contestation qui a fait des dizaines de morts. Son achèvement pourrait renforcer ses positions au meilleur moment si, comme l’opposition l’en soupçonne, il se présente à un troisième mandat à la fin de l’année.

« Vous ne pouvez pas simplement arracher les gens de leurs terres ancestrales », dit le directeur de la communication de la Société de gestion et d’exploitation de Souapiti, Alphakaba Diakité. Selon lui, le projet a une vocation « sociale »: « changer la vie des personnes déplacées ».

Dans un rapport publié jeudi, Human Rights Watch (HRW) estime à 16.000 le nombre de personnes déplacées par le barrage, dont les eaux vont recouvrir plus de 250 kilomètres carrés de terres et engloutir plus de 550.000 arbres fruitiers. Une cinquantaine de villages ont été évacués l’an dernier et des dizaines d’autres devraient suivre cette année, selon l’ONG.

La besoin réel et criant en électricité « ne doit pas constituer une excuse pour piétiner les droits » des populations, estime Yasmin Dagne, chercheuse citée dans le rapport.

L’ONG demande aux autorités de s’assurer que les déplacés « auront accès aux terres et aux ressources nécessaires pour reconstruire leur vie ».

Elle juge aussi « particulièrement important », en cette période de Covid-19 que les populations aient accès à de l’eau saine, à des installations sanitaires et aux services de santé.

– Financement chinois –

La Guinée est surnommée le « château d’eau de l’Afrique de l’Ouest » en raison de la forte pluviométrie et des cours d’eau qui y trouvent leur source, dont les fleuves Sénégal, Gambie et Niger, qui irriguent toute la sous-région.

« Le potentiel est énorme », explique Jean-Michel Natrella, de la société d’ingénierie Tractebel (Engie), associée au projet, pour qui il n’y avait « pas d’autre choix que d’exploiter » l’énergie hydroélectrique.

Les premiers projets d’exploitation de cette énergie renouvelable remontent à 1944, sous l’administration coloniale française. Après l’indépendance de la Guinée en 1958, plusieurs tentatives de relance ont échoué, généralement par manque de financement.

C’est finalement un prêt chinois de 1,2 milliard d’euros au gouvernement de Conakry qui a permis de lancer les travaux du barrage en 2016.

Ce projet s’inscrit dans un vaste programme du gouvernement chinois, doté de milliards de dollars, de construction d’infrastructures dans des dizaines de pays en Afrique, en Asie et en Amérique latine.

En Guinée, pays pauvre de 13 millions d’habitants mais dont les gisements de minerais attisent les convoitises, il a pris la forme d’un partenariat public-privé entre le gouvernement et la société chinoise CWE, filiale de la Three Gorges Corporation (gestionnaire du gigantesque barrage des Trois-Gorges en Chine), qui en assure la construction, en sera co-propriétaire et sera chargée de son exploitation.

Les milliardaires africains, appelés à l’aide pour lutter contre la pandémie

Sous un soleil de plomb, des menuisiers, trempés de sueur, s’activent pour construire des planchers à grand coups de marteaux. A Kano, la grande ville du nord du Nigeria, un centre d’isolement flambant neuf pourra bientôt accueillir les patients du Covid-19.

Derrière cette initiative se trouve l’homme le plus riche d’Afrique, Aliko Dangote, dont la fortune est estimée à plus de 15 milliards de dollars (Bloomberg 2019). Deux immenses tentes blanches d’environ 250 lits ont été érigées sur le stade de foot de la cité commerçante qui a vu naître le roi du ciment.

Dans le pays anglophone de 200 millions d’habitants, des décennies de mauvaise gestion des pouvoirs publics ont laissé un système de santé exsangue, alors dans la lutte contre le coronavirus, comme bien souvent, le secteur privé est appelé à la rescousse.

Créée fin février, la Coalition du secteur privé contre le Covid-19 (Cacovid), pilotée par Dangote et le groupe bancaire nigérian Access Bank, rassemble une cinquantaine d’entreprises qui ont promis près de 22 milliards de nairas (57 millions de dollars) pour le pays, selon un document interne que l’AFP a pu consulter.

« Si chacun fait les choses dans son coin, ça crée une cacophonie, alors en fonction de sa taille, chacun met ce qu’il peut et on mutualise nos moyens », assure à l’AFP Zouera Youssoufou, directrice générale de la Fondation Dangote.

– La mobilisation s’accélère –

Le secteur privé va ainsi bâtir sept centres d’isolement dans les grandes villes (Kano, Lagos, Abuja, Maiduguri, Port-Harcourt…), et chercher à augmenter les capacités de diagnostique du Nigeria, qui n’a réalisé que 5.000 tests depuis le début de l’épidémie.

L’Afrique semble pour l’instant moins touchée que le reste du monde avec un total de quelque 16.200 cas officiellement recensés pour près de 900 morts, selon un décompte de l’AFP.

Mais les experts invitent à la prudence, estimant que l’ampleur réelle de la pandémie pourrait être sous-estimée – notamment en raison du manque de tests disponibles.

Alors, un peu partout, la mobilisation s’accélère. En Afrique du Sud, le magnat des mines, Patrice Motsepe (African Rainbow Minerals), de même que les familles Rupert (fonds d’investissement Remgro Limited) et Oppenheimer (diamants De Beers) ont chacun promis un milliard de rands (53,3 millions de dollars).

A l’échelle continentale, la Banque africaine de développement (BAD) a annoncé la semaine dernière la création d’un fonds de 10 milliards de dollars pour soutenir les économies africaines.

Et l’Union africaine (UA) a lancé le 7 avril un fonds spécial contre le Covid-19 auquel les Etats membres ont déjà accepté de contribuer à hauteur de 17 millions de dollars.

– « Plan Marshall » pour l’Afrique –

« Nous devons maintenant (…) mobiliser toutes les ressources pour contenir cette pandémie et empêcher l’effondrement d’économies et de systèmes financiers déjà en difficulté », a déclaré dimanche le président en exercice de l’UA, le Sud-africain Cyril Ramaphosa.

Reste à convaincre les institutions régionales et internationales, mais aussi les milliardaires africains d’y participer. L’objectif du fonds spécial est de réunir à terme quelque 400 millions de dollars pour financer en priorité la réponse sanitaire, puis les économies.

Contacté par l’AFP, l’homme d’affaires et philanthrope nigérian Tony Elumelu, président de la banque UBA, présente dans 20 pays, appelle à un « plan Marshall » pour l’Afrique après avoir annoncé un don de 14 millions de dollars au Nigeria et au reste du continent.

« Il est urgent que les gouvernements africains et les partenaires internationaux intensifient leur programme de relance économique Covid-19 pour le continent » avec « une réponse internationale coordonnée », affirme-t-il

Toute la difficulté est de trouver de l’argent disponible rapidement. Les institutions, comme la Banque mondiale ou la BAD qui ont promis des milliards, sont soumis à des procédures contraignantes, et leurs aides mettent souvent plusieurs mois avant d’être débloquées.

Quant aux grandes fortunes, malgré leurs discours récurrents sur le panafricanisme, elles se montrent encore frileuse lorsqu’il s’agit d’élargir leur solidarité au continent.

– « Effets d’annonce » –

« Pour l’instant, personne n’a encore vraiment participé » explique sous couvert d’anonymat à l’AFP un haut fonctionnaire de l’UA. « Les plus enclins à donner et rapidement, ce sont les Chinois. C’est pour cela que nous avons reçu aussi vite des aides de Jack Ma », le fondateur du géant de la vente en ligne Alibaba.

« On aimerait que les milliardaires africains suivent l’exemple, malheureusement cela reste souvent des effets d’annonce », poursuit cette source. « En 2015 avec Ebola, beaucoup de promesses ont été faites, mais en dehors de Dangote et de Motsepe, très peu ont vraiment débloqué l’argent ».

Toutefois, le groupe Ecobank, qui possède des filiales dans une quarantaine de pays, s’apprête à lancer une plateforme de soutien aux PME africaines, selon la même source.

Du côté de l’empire Dangote, présent dans toute l’Afrique à travers des usines de ciment, de sucre, ou encore de farine, Zouera Youssoufou assure également vouloir « s’engager pour le continent » même si elle reconnait que priorité est pour l’instant donnée au Nigeria.

« Nous sommes panafricains par essence », dit-elle. « Mais on met d’abord son propre masque à oxygène avant d’aider les autres ».

Les Maliens élisent leur parlement malgré la guerre et le virus

Guerre, coronavirus, principal opposant enlevé… Le contexte est aussi sombre avant le second tour des législatives au Mali dimanche qu’il l’était avant le premier, mais le gouvernement a choisi de maintenir le scrutin.

« En démocratie, rien ne vaut la pleine légalité constitutionnelle ainsi que le jeu normal des institutions », a déclaré le président Ibrahim Boubacar Keïta il y a quelques jours, s’adressant à la nation un masque protecteur sur le visage.

Il y va de la nécessité d’apporter des réponses autres que strictement militaires à la profonde crise sécuritaire, politique ou économique que traverse le pays depuis des années, a justifié le chef d’Etat.

Malgré l’adversité, la majorité de la classe politique soutient le maintien de ce scrutin reporté à plusieurs reprises.

L’enjeu est de taille: renouveler un parlement élu en 2013 et dont le mandat devait s’achever en 2018, et faire enfin progresser l’application de l’accord de paix d’Alger.

Celui-ci, signé en 2015 entre les groupes armés indépendantistes et Bamako, prévoit plus de décentralisation via une réforme constitutionnelle qui doit passer par l’Assemblée. Or la légimité du parlement sortant est contestée.

Mais comment motiver des Maliens qui remettent en cause la capacité de leurs dirigeants à sortir le pays de la guerre et de la pauvreté ?

– Menaces jihadistes –

D’abord concentrée dans le nord du pays en proie à des rebellions indépendantistes, la crise a dégénéré avec l’arrivée sur l’échiquier sahélien de groupes jihadistes à partir de 2012.

La violence frappe quotidiennement le centre et le nord du Mali et les voisins burkinabé et nigérien. Les attaques contre les soldats et les civils alternent avec les explosions de mines artisanales, les morts se comptent par milliers et les déplacés par centaines de milliers. Vingt-cinq militaires, selon le gouvernement, ont été tués entre les deux tours dans une opération revendiquée par un groupe affilié à al-Qaïda.

« Dans le centre et dans le nord, est-ce que les populations pourront voter librement ? Dans le centre, les groupes terroristes sont en train de menacer les populations » pour les dissuader de voter, affirme Ibrahima Sangho, chef de mission de la Synergie, plateforme d’organisations qui déploient des observateurs lors d’élections.

Le premier tour du 29 mars a été marqué par des enlèvements de présidents de bureau et le vol et la destruction d’urnes. Dans les zones rurales de Tombouctou, les jihadistes ont conduit de nombreux raids d’intimidation à moto. « Ne votez pas ou vous aurez affaire à nous », disaient-ils en substance aux habitants, selon un rapport interne de l’ONU consulté par l’AFP.

Un millier de bureaux environ, sur plus de 22.000, n’ont pas ouvert, a admis le ministre de l’Administration territoriale Boubacar Alpha Bah, selon des propos rapportés par la télévision publique.

Dans certaines régions du nord, le large taux de participation (plus de 85% à Kidal pour une moyenne nationale de 35,6%, avec des députés élus avec 91% ou 97% des suffrages) laisse envisager « une possibilité de fraude », dit un diplomate sahélien.

Dans la capitale, la participation a été de 12,9%. Ces faibles taux de participation sont dans la norme malienne, rappelle M. Sangho, l’observateur.

– Défi sanitaire –

Sur les 147 sièges de députés, 22 ont été pourvus au premier tour.

Parmi eux: Soumaïla Cissé, le chef de file de l’opposition kidnappé le 25 mars alors qu’il était en campagne. A défaut de preuve formelle, tous les soupçons pèsent sur le groupe jihadiste d’Amadou Koufa. Des négociations secrètes sont menées pour sa libération, selon son parti.

« Soumaïla Cissé est un gros poisson qui pourra être échangé contre d’autres gros poissons emprisonnés », pense Bréma Ely Dicko, sociologue à l’Université de Bamako.

Ce rapt sans précédent n’avait pas dissuadé les autorités de s’en tenir au calendrier électoral, pas plus que l’officialisation, fortuitement simultanée, des premiers cas de contamination par le nouveau coronavirus. La campagne, déjà discrète, a dès lors disparu des débats, en dehors des affiches qui résistent à Bamako.

Le Mali a officiellement déclaré 171 patients et 13 décès. Ici comme ailleurs, l’inquiétude est grande quant à la capacité de faire face à une prolifération. Un couvre-feu nocturne a été institué, les écoles ont été fermées, des restrictions imposées aux activités.

Mais dans la capitale d’un des pays les plus pauvres de la planète dont une grande part de la population vit au jour le jour, les marchés, les mosquées, les transports en commun n’ont pas désempli.

« Ce n’est pas partout que les mesures contre le Covid-19 ont été appliquées » au premier tour, rapporte M. Sangho.

Le président malien a pris l’engagement que « toutes les mesures sanitaires et sécuritaires requises (seront) rigoureusement appliquées » dimanche.

Traumatisés par la guerre : le théâtre pour panser les blessures psychiques en Afghanistan

Alors qu’il assistait à Kaboul à une pièce de théâtre sur le traumatisme, Hussain s’est mis à sangloter, la représentation ravivant ses souvenirs d’une scène de guerre dans laquelle il a manqué perdre la vie en Afghanistan.

« Je ne pouvais pas m’arrêter de pleurer », raconte l’étudiant de 22 ans, qui a survécu à un attentat-suicide ayant tué 57 personnes dans la capitale afghane en 2018. « Je fais encore des cauchemars de ce moment, le sang, les bouts de corps et les personnes blessées qui crient à l’aide. »

Hussain, qui refuse de communiquer son nom de famille, assistait à « Tanhayee » (« Solitude »), une pièce de théâtre narrant l’histoire de deux femmes : une survivante d’un attentat-suicide et une victime d’agression sexuelle.

Dans un pays conservateur ayant connu quatre décennies de guerre et de déplacements de population, ses producteurs espèrent alerter par ce biais sur l’impact durable d’évènements traumatisants.

« Chaque individu dans ce pays a été d’une manière ou d’une autre affecté par un traumatisme mental », affirme Jebrael Amin, un porte-parole de l’ONG Peace of Mind (Tranquillité d’esprit) Afghanistan, qui finance la pièce. « Le théâtre est un bon moyen de sensibiliser les gens, car ils se rendent compte qu’autour d’eux, beaucoup partagent les mêmes douleurs ».

Quelque 85 % des Afghans ont vécu ou assisté à au moins un événement traumatisant, selon une enquête de l’Union européenne datant de 2018. Les données du ministère de la Santé montrent qu’environ un Afghan sur deux souffre de détresse psychologique.

« Il ne fait aucun doute que la guerre et la violence qui y est associée sont les plus grands facteurs de détresse mentale et de traumatisme en Afghanistan », remarque Bashir Ahmad Sarwari, chef du département de la santé mentale du ministère.

– Stigmatisation –

Mais moins de 10 % des Afghans ont reçu un soutien psychosocial suffisant de la part de l’État, selon l’ONG Human Rights Watch.

La situation est encore pire hors des grandes villes, où les infrastructures sanitaires manquent. De grands pans de l’Afghanistan rural sont en outre sous le contrôle des talibans, peu portés sur l’accompagnement psychologique.

Le gouvernement afghan a formé environ 850 conseillers en santé mentale cette dernière décennie. Mais la peur d’être stigmatisé dans une société patriarcale et conservatrice fait que de nombreuses personnes s’abstiennent de demander de l’aide.

« C’est un gros problème car les personnes souffrant de problèmes de santé mentale sont étiquetées comme faibles, stupides ou même folles », rappelle M. Sarwari.

L’impact peut être dévastateur. Najib, qui a refusé de donner son nom complet par peur des critiques, a commencé à souffrir de dépression et d’anxiété après avoir perdu sa mère dans un attentat dans Kaboul en 2017.

Lorsqu’il s’est ouvert auprès de ses amis, il affirme avoir été rejeté. « J’ai pensé au suicide », se souvient-il.

Najib s’est senti impuissant et isolé pendant des années, jusqu’à ce qu’on le persuade de consulter un psychologue.

Pour que, comme lui, davantage de malades franchissent le pas, les professionnels de santé afghans se tournent désormais vers des moyens non conventionnels, projets artistiques et autres représentations théâtrales.

« Tanhayee » a ainsi été joué 15 fois. Mais la pièce a dû être interrompue pour éviter la propagation du nouveau coronavirus.

– Rôle réel –

Selon le ministère de la Santé, plus de deux millions d’Afghans sur les 35 que compte le pays ont visité des cliniques de santé mentale l’année dernière. Ils étaient à peine quelques milliers il y a 10 ans.

« Nous sommes sur le bon chemin », se félicite Wahid Majroh, conseiller principal au ministère. « Mais le niveau de traumatisme (…) ici est tel que les services ou la sensibilisation à la santé mentale ne peuvent pas suivre. »

Les expériences violentes sont si répandues en Afghanistan que la souffrance décrite dans « Tanhayee » a fait pleurer de nombreux spectateurs.

La catharsis fonctionne dans les deux sens. L’actrice Jamila Mahmoodi, qui joue la victime d’un attentat, estime que la pièce l’a aidée à surmonter le fait qu’elle avait elle-même échappé de justesse à un attentat-suicide.

Pendant des mois, la jeune femme de 21 ans dit avoir lutté contre le stress post-traumatique. « J’ai l’impression que jouer sur scène m’aide », observe-t-elle. « Je me sens en paix tout en jouant le rôle que moi et des milliers d’autres avons douloureusement vécu dans la vraie vie. »

Les Maliens élisent leur parlement malgré la guerre et le virus

Guerre, coronavirus, principal opposant enlevé… Le contexte est aussi sombre avant le second tour des législatives au Mali dimanche qu’il l’était avant le premier, mais le gouvernement a choisi de maintenir le scrutin.

« En démocratie, rien ne vaut la pleine légalité constitutionnelle ainsi que le jeu normal des institutions », a déclaré le président Ibrahim Boubacar Keïta il y a quelques jours, s’adressant à la nation un masque protecteur sur le visage.

Il y va de la nécessité d’apporter des réponses autres que strictement militaires à la profonde crise sécuritaire, politique ou économique que traverse le pays depuis des années, a justifié le chef d’Etat.

Malgré l’adversité, la majorité de la classe politique soutient le maintien de ce scrutin reporté à plusieurs reprises.

L’enjeu est de taille: renouveler un parlement élu en 2013 et dont le mandat devait s’achever en 2018, et faire enfin progresser l’application de l’accord de paix d’Alger.

Celui-ci, signé en 2015 entre les groupes armés indépendantistes et Bamako, prévoit plus de décentralisation via une réforme constitutionnelle qui doit passer par l’Assemblée. Or la légimité du parlement sortant est contestée.

Mais comment motiver des Maliens qui remettent en cause la capacité de leurs dirigeants à sortir le pays de la guerre et de la pauvreté ?

– Menaces jihadistes –

D’abord concentrée dans le nord du pays en proie à des rebellions indépendantistes, la crise a dégénéré avec l’arrivée sur l’échiquier sahélien de groupes jihadistes à partir de 2012.

La violence frappe quotidiennement le centre et le nord du Mali et les voisins burkinabé et nigérien. Les attaques contre les soldats et les civils alternent avec les explosions de mines artisanales, les morts se comptent par milliers et les déplacés par centaines de milliers. Vingt-cinq militaires, selon le gouvernement, ont été tués entre les deux tours dans une opération revendiquée par un groupe affilié à al-Qaïda.

« Dans le centre et dans le nord, est-ce que les populations pourront voter librement ? Dans le centre, les groupes terroristes sont en train de menacer les populations » pour les dissuader de voter, affirme Ibrahima Sangho, chef de mission de la Synergie, plateforme d’organisations qui déploient des observateurs lors d’élections.

Le premier tour du 29 mars a été marqué par des enlèvements de présidents de bureau et le vol et la destruction d’urnes. Dans les zones rurales de Tombouctou, les jihadistes ont conduit de nombreux raids d’intimidation à moto. « Ne votez pas ou vous aurez affaire à nous », disaient-ils en substance aux habitants, selon un rapport interne de l’ONU consulté par l’AFP.

Un millier de bureaux environ, sur plus de 22.000, n’ont pas ouvert, a admis le ministre de l’Administration territoriale Boubacar Alpha Bah, selon des propos rapportés par la télévision publique.

Dans certaines régions du nord, le large taux de participation (plus de 85% à Kidal pour une moyenne nationale de 35,6%, avec des députés élus avec 91% ou 97% des suffrages) laisse envisager « une possibilité de fraude », dit un diplomate sahélien.

Dans la capitale, la participation a été de 12,9%. Ces faibles taux de participation sont dans la norme malienne, rappelle M. Sangho, l’observateur.

– Défi sanitaire –

Sur les 147 sièges de députés, 22 ont été pourvus au premier tour.

Parmi eux: Soumaïla Cissé, le chef de file de l’opposition kidnappé le 25 mars alors qu’il était en campagne. A défaut de preuve formelle, tous les soupçons pèsent sur le groupe jihadiste d’Amadou Koufa. Des négociations secrètes sont menées pour sa libération, selon son parti.

« Soumaïla Cissé est un gros poisson qui pourra être échangé contre d’autres gros poissons emprisonnés », pense Bréma Ely Dicko, sociologue à l’Université de Bamako.

Ce rapt sans précédent n’avait pas dissuadé les autorités de s’en tenir au calendrier électoral, pas plus que l’officialisation, fortuitement simultanée, des premiers cas de contamination par le nouveau coronavirus. La campagne, déjà discrète, a dès lors disparu des débats, en dehors des affiches qui résistent à Bamako.

Le Mali a officiellement déclaré 171 patients et 13 décès. Ici comme ailleurs, l’inquiétude est grande quant à la capacité de faire face à une prolifération. Un couvre-feu nocturne a été institué, les écoles ont été fermées, des restrictions imposées aux activités.

Mais dans la capitale d’un des pays les plus pauvres de la planète dont une grande part de la population vit au jour le jour, les marchés, les mosquées, les transports en commun n’ont pas désempli.

« Ce n’est pas partout que les mesures contre le Covid-19 ont été appliquées » au premier tour, rapporte M. Sangho.

Le président malien a pris l’engagement que « toutes les mesures sanitaires et sécuritaires requises (seront) rigoureusement appliquées » dimanche.

Au Chili, le coronavirus met entre parenthèses la vague des manifestations

Il y a six mois, une vague de manifestations a commencé à agiter les rues du Chili, réclamant de profonds changements sociaux et l’adoption d’une nouvelle Constitution, mais la pandémie de Covid-19 a mis cette rage entre parenthèses.

Si le pays n’avait pas été rattrapé par la crise sanitaire mondiale, les Chiliens s’apprêteraient à aller aux urnes pour décider si oui ou non la Constitution héritée de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990) devait être modifiée.

Destiné à apaiser la crise sociale commencée le 18 octobre, ce référendum, initialement prévu le 26 avril, a été reporté au 25 octobre.

La crise sociale, déclenchée par une hausse du prix du ticket de métro dans la capitale, s’est nourrie de la colère de la population face aux profondes inégalités socio-économiques et à la déconnexion de la classe politique vis-à-vis des problèmes quotidiens de la majorité des 18 millions de Chiliens.

Après six mois d’un mouvement de contestation sans précédent qui a fait 31 morts, le climat tendu de contestation qui secouait le pays a laissé la place à une ambiance calme, mélange de peur de la maladie et d’obéissance aux consignes de autorités, vidant les rues de Santiago, Valparaiso ou Concepcion.

A présent, le Chili compte ses morts du Covid-19, déjà plus d’une centaine, parmi les quelque 8.000 cas officiellement recensés.

Mais cette union communautaire contre le virus n’est qu’une pause et « bien sûr, les problèmes qui ne sont plus exprimés publiquement aujourd’hui, sont toujours là », déclare à l’AFP Patricio Zapata, avocat constitutionnaliste et membre du parti d’opposition Démocratie chrétienne.

« Nous nous trouvons dans une parenthèse et il existe une possibilité qu’après cette parenthèse, les choses reviennent à une situation en apparence similaire » à celle d’avant l’explosion sociale, prévient Juan Pablo Luna, professeur de sciences politiques de l’université catholique du Chili.

– « Tous sains en octobre » –

Mais cela « n’arrivera que si les conséquences de la crise sont telles que les gens préfèreront remettre à plus tard leurs revendications pour faire face à des besoins économiques de base » plus urgents, ajoute-t-il.

Les conséquences de la pandémie sur l’économie ont conduit le Fonds monétaire international (FMI) à prévenir que certains pays, comme le Chili, l’Equateur ou la France « continuent de courir le risque de nouvelles manifestations, particulièrement si les mesures de soutien sont jugées insuffisantes pour atténuer la crise du Covid-19 et ses retombées économiques, ou si elles sont jugées injustes en favorisant les riches » ou les multinationales.

Cette pandémie pourrait mettre en lumière le caractère inégalitaire de la société chilienne, un des principaux griefs des manifestants qui réclamaient davantage de présence de l’Etat dans les domaines de la santé, de l’éducation et des retraites, aux mains du secteur privé depuis le régime militaire de Pinochet.

« Selon moi, la gestion de la crise sanitaire peut probablement finir par mettre de nouveau à nu des problèmes structurels, comme les inégalités, et, dans ce cas, il me semble assez probable que le coronavirus finisse (…) par percuter le gouvernement en entraînant une seconde vague de protestations », juge Juan Pablo Luna.

Outre un scénario de ce type, l’avocat Patricio Zapata voit, lui, une autre possibilité: le fait d’avoir vécu une pandémie pourrait donner « plus d’élan aux forces du dialogue et de la coopération, ouvrant la voie à de grands accords ».

« Je souhaite tourner la page de ce chapitre pour nous unir à nouveau en faveur d’un changement politique, de Constitution. Tous sains en octobre ! », lance de son côté Maria José Gutiérrez, militante âgée de 30 ans, qui a lancé la campagne « Moi j’approuve », en référence à un nouveau texte fondateur.