La pandémie pousse les migrants vénézuéliens sur les chemins du retour

En moins d’un an, il fuit pour la deuxième fois: d’abord, la pauvreté dans son pays, et maintenant la mort semée par la pandémie. Bien que le Venezuela soit toujours en crise, Jesus Peña a décidé de rentrer chez lui.

« Nous voulons rentrer pour ne pas mourir », explique cet homme de 49 ans lors d’une étape à Cali, en Colombie. Il y est arrivé après 12 jours de voyage, la plupart du temps à pied, depuis l’Equateur voisin, l’un des pays d’Amérique latine les plus touchés par le Covid-19.

Les ampoules au pied lui semblent un moindre mal. Il est soulagé car bientôt, avec sa femme, leur fils et sa belle-soeur, il va monter dans un des autobus affrétés par la municipalité pour emmener les migrants vénézuéliens jusqu’à la frontière, à 957 km de là.

Des dizaines d’autres attendent avec lui. Ils ont fui l’Equateur et d’autres pays de la région, franchissant clandestinement des frontières fermées, ou profitant de l’ouverture de corridors humanitaires. Parmi eux, certains ont tenté de reconstruire leur vie en Colombie, mais y renoncent.

Tous ont décidé de rentrer au pays après s’être trouvés sans ressources à cause du confinement, qui a eu raison de leur travail précaire, ou de crainte que la contagion n’aggrave la xénophobie.

Jesus Peña vivait depuis neuf mois à Loja, localité du sud de l’Equateur. Mais il a commencé à avoir peur: là-bas, « les gens meurent, ne font pas attention, ne portent pas de masque, tout le monde est dans la rue ».

– 35.000 migrants déjà rentrés –

Il craignait aussi le sort qui leur aurait été réservé si lui ou un de ses proches était tombé malade. A l’hôpital, « on n’aurait pas fait sortir un Equatorien pour y mettre un Vénézuélien », assure-t-il, estimant que « le mieux c’est de regagner notre pays ».

Plus de 35.000 Vénézuéliens, venant de Colombie ou d’ailleurs, ont déjà traversé le territoire, selon Felipe Muñoz, fonctionnaire de la frontière entre les deux pays.

La Colombie compte environ 1,8 des 4,9 millions de migrants qui ont fui ces dernières années l’effondrement de l’ancienne puissance pétrolière.

Bogota, qui suivant la ligne des Etats-Unis ne reconnaît pas Nicolas Maduro comme président du Venezuela, a appelé à l’aide internationale pour gérer la crise migratoire, aggravée par l’urgence sanitaire et financière résultant de la pandémie.

Ce pays compte déjà plus de 3.700 cas confirmés du nouveau coronavirus, contre quelque 250 répertoriés au Venezuela, alors que l’Equateur avec 10.000 cas est le pays de la région le plus affecté après le gigantesque Brésil.

Conscient que les données de son pays sont contestées par l’opposition, Jesus Peña se prépare à gérer plusieurs maux. « Il n’y a pas de nourriture, pas d’eau, ni d’essence. Mais que faire? »

La Colombie assure que ces migrants partent d’eux-mêmes et contrôle leur température à leur sortie.

Luis Plazas, 24 ans, s’estime chanceux. Ce vendeur de fruits ambulant, son épouse et leurs enfants de huit ans et de huit mois, ont pu embarquer dans un autobus allant de Cali à Cucuta, à la frontière.

– Sans toit, ni nourriture –

Après deux années d’exil, une à Bogota et l’autre à Cali, il a décidé de partir avant que la faim se fasse davantage sentir. Depuis le début du confinement, le 20 mars dans les grandes villes colombiennes, sa famille ne se permet plus qu’un seul repas quotidien.

« Si un adulte ne mange qu’une fois par jour, il le supporte. Mais comment dire à un petit qu’il n’y a rien. C’est très difficile! », a-t-il expliqué par téléphone à l’AFP pendant son voyage.

Ce migrant s’est retrouvé dans la même situation que 47% de la population active de Colombie, qui travaille de manière informelle souvent dans la rue et que le confinement laisse sans un sou.

Et sa situation a empiré lorsqu’il n’a plus eu de quoi payer le loyer. « Cela devenait très difficile et on nous avait déjà jetés à la rue », dit-il.

Le gouvernement colombien a depuis interdit de telles expulsions pendant le confinement, élargi le 25 mars à l’ensemble du pays et prolongé jusqu’au 26 avril inclus.

A la frontière, Luis Plazas a attendu quelques heures la fin du couvre-feu imposé au Venezuela. Et il espère que le petit commerce de sa mère, qui vend des arepas (galettes de maïs), éloigne au moins le spectre de la faim.

Au Malawi, la fronde des pauvres contre le confinement anticoronavirus

La colère des populations contre le confinement anticoronavirus gronde partout en Afrique. Au Malawi, elle a tonné si fort que la justice a infligé un camouflet aux autorités en suspendant leur ordre, au nom de la protection des plus pauvres.

Comme des centaines d’autres petits vendeurs informels du marché de Blantyre, la capitale économique du pays, Thom Minjala a gagné une semaine de répit.

« Si le confinement avait été appliqué, on serait certainement mort de faim plutôt que du coronavirus », estime ce chiffonnier. « Bien sûr qu’on a peur de la maladie mais notre souci, c’est la faim. On n’a pas d’argent de côté, tout ce qu’on peut gagner au quotidien sert à nous nourrir ».

Le président Peter Mutharika avait annoncé la semaine dernière à ses 17 millions d’habitants qu’ils allaient devoir rester chez eux pendant trois semaines pour freiner la pandémie de Covid-19, comme dans nombre d’autres pays du continent.

Selon le dernier bilan, seuls 17 cas d’infection, dont deux mortels, ont été jusque-là rapportés officiellement.

Mais dans ce pays considéré comme l’un des plus démunis de la planète, beaucoup redoutent une catastrophe. Dans son discours télévisé à la nation, le chef de l’Etat a lui-même avancé un bilan possible de 50.000 morts.

A la surprise générale, la Haute cour du pays, saisie par la société civile, a pourtant suspendu l’entrée en vigueur de l’ordre présidentiel, prévue samedi dernier, pendant une semaine. Une première dans le continent.

Le gouvernement a très mal accueilli cette rebuffade judiciaire, jugée dangereuse. « Le juge n’a pas interdit au virus de se propager pendant les sept jours de sursis à exécution qu’il a ordonné », a raillé le procureur général du pays, Kalekeni Kaphale, dans les médias locaux.

« Le confinement est possible s’il est accompagné de mesures sensées qui ne visent pas à entraver les libertés de la population », rétorque Gift Trapence, à la tête de la Coalition des défendeurs des droits humains (HRDC) qui a saisi la justice.

– ‘Comment survivre ?’ –

Dès l’annonce de mesures de confinement, des milliers de petits commerçants inquiets sont descendus dans les rues de plusieurs villes du pays pour crier qu’ils ne le respecteraient pas.

« Ils (le gouvernement) auraient dû (…) faire en sorte que les pauvres aient à manger et demander aux propriétaires de ne pas réclamer leurs loyers pendant plusieurs mois », estime un autre vendeur de Blantyre, George Mithengo.

« Mais ils ont juste dit +allez, on confine+ », rouspète-t-il, « comment espéraient-ils qu’on pourrait survivre ? »

La Haute Cour doit entendre cette semaine les arguments des deux parties avant de se prononcer sur le dossier.

Quelle que soit sa décision, beaucoup reprochent au gouvernement de ne s’être même pas préoccupé des conséquences de ses décisions sur une population dont, selon la Banque mondiale, plus de la moitié (51%) vit sous le seuil de pauvreté.

« L’exercice sans contrôle du pouvoir par des gens qui usent de pouvoirs d’exception pour protéger des vies peut au final causer beaucoup plus de victimes », a estimé l’ancien procureur général Ralph Kasambara, « ces pouvoirs d’exception peuvent constituer le début de la tyrannie ».

Cette inquiétude est partagée au sein de la population malawite, dont la confiance envers le gouvernement a été écornée depuis les élections de l’an dernier.

La réélection de M. Mutharika a en effet été annulée par la justice pour cause de fraudes et les tensions politiques restent vives dans le pays en vue du nouveau scrutin présidentiel, programmé le 2 juillet.

Cette défiance est le fruit « des privations, de la frustration et d’un sentiment d’injustice », juge le psychologue Limbika Maliwichi-Senganimalunje, de l’université du Malawi.

Au milieu des étals du marché de Blantyre, le vendeur George Mithengo reste préoccupé. Il le sait, le sursis inattendu que lui a offert la justice risque d’être de courte durée. « Si on est confinés », répète-t-il, « on mourra chez nous ».

Séoul minimise des informations sur l’état de santé de Kim Jong Un

La Corée du Sud a minimisé mardi des informations selon lesquelles le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un aurait été récemment opéré, alors que certains observateurs s’interrogent sur son absence lors de célébrations à Pyongyang la semaine dernière.

La Corée du Nord a marqué le 15 avril le 108e anniversaire de la naissance du fondateur du régime, Kim Il Sung, qui est le grand-père du dirigeant actuel. Cette date est de loin la plus importante du calendrier politique au Nord. Mais Kim Jong Un n’a été vu sur aucune des photographies officielles.

Daily NK, un média en ligne géré essentiellement par des Nord-Coréens ayant fait défection, a affirmé que le dirigeant nord-coréen avait été opéré en avril pour des problèmes cardio-vasculaires et qu’il était en convalescence dans une villa dans la province de Phyongan du Nord.

« La raison du traitement cardio-vasculaire urgent qu’a subi Kim était son tabagisme excessif, son obésité et sa fatigue », affirme Daily NK en citant une source nord-coréenne non identifiée.

Cette information n’a pas été confirmée. Mais elle a suscité un déluge de spéculations.

– Opéré d’un kyste en 2014 –

Citant un responsable américain, CNN rapporte que Washington « étudie des informations » selon lesquelles Kim Jong Un est « en danger grave après une opération chirurgicale », sans dire si ces « informations » sont en fait l’article de Daily NK.

« Nous n’avons rien à confirmer et aucun mouvement particulier n’a été détecté en Corée du Nord », a déclaré dans un communiqué un porte-parole de la Maison bleue, la présidence sud-coréenne.

L’agence de presse sud-coréenne Yonhap a de son côté cité un haut responsable sud-coréen affirmant, sous couvert de l’anonymat, que les informations selon lesquelles M. Kim serait gravement malade ne sont « pas vraies ».

La dernière apparition publique de M. Kim à avoir fait l’objet d’une couverture photo par les médias officiels remonte au 11 avril, lorsqu’il avait présidé une réunion du bureau politique du parti au cours de laquelle ce dernier avait appelé à des mesures plus fortes contre le nouveau coronavirus.

Pyongyang, qui a fermé ses frontières et mis en oeuvre des restrictions pour la population, continue de dire qu’aucun cas de Covid-19 n’a été recensé sur son sol.

Ce n’est pas la première fois que « l’absence » de Kim alimente toute sorte de spéculations.

En 2014, il n’avait pas été vu pendant six semaines, avant de réapparaître avec une canne. Les services de renseignements sud-coréens cités par Yonhap avaient affirmé qu’il avait subi une opération visant à lui enlever un kyste à la cheville.

– « Personne ne sait » –

« Personne ne sait ce qui se passe à l’intérieur de la Corée du Nord », a rappelé Martyn Williams, qui est affilié à l’institut 38 North.

« Kim Jong Il était mort plusieurs jours avant que cela ne soit annoncé, et cela a pris tout le monde par surprise », a-t-il observé dans un tweet.

« Kim Jong Un a déjà été porté +disparu+ mais il est toujours réapparu. Ceci dit, son absence cette semaine était plus que notable. »

Certains responsables sud-coréens ont fait part de leurs doutes quant à la crédibilité des informations de Daily NK.

La couverture de l’actualité nord-coréenne est particulièrement compliquée, surtout pour tout ce qui a trait à la vie privée de M. Kim qui est un des secrets les mieux gardés du régime.

Le ministère sud-coréen de l’Unification, qui gère les questions intercoréennes, et celui de la Défense se sont refusés à tout commentaire.

Moon Chung-in, conseiller à la sécurité du président sud-coréen Moon Jae-in, a dit à l’AFP n’avoir rien entendu de spécial concernant la santé de M. Kim.

Certains experts ont aussi appelé à la prudence.

« Il n’y a aucune confirmation à ce stade et il est trop tôt pour tirer des conclusions sur son état de santé », a estimé Ahn Chan-il, un transfuge du Nord devenu chercheur à Séoul.

Il a relevé qu’une opération du coeur impliquait du matériel médical de pointe qui ne se trouve « que dans des établissements de Pyongyang ». Il ne serait « pas raisonnable » de le transporter ailleurs pour l’opération.

Peu de test Covid-19 et défiance envers les autorités: le marché noir de la santé au Nigeria

Sur les groupes Whatsapp et dans les cliniques privées, les kits de tests de coronavirus se vendent au marché noir: au Nigeria, le nombre de tests officiels est insignifiant et peu ont confiance dans le système de santé public.

Le manque d’accès aux tests est un problème mondial, et plus particulièrement en Afrique sub-saharienne, où il y a un « énorme fossé » par rapport aux autres pays, a déclaré la semaine dernière le directeur du Centre de contrôle des maladies de l’Union Africaine, John Nkengasong.

Toutefois, au Nigeria, pays de 200 millions d’habitants – le plus peuplé du continent – ce « fossé » est encore plus criant qu’ailleurs.

La première économie d’Afrique n’a réalisé à ce jour que 7.100 tests officiels.

A titre de comparaison, le Ghana, avec une population six fois moins importante (30 millions d’habitants) en a réalisé neuf fois plus, avec plus de 68.000 (chiffres du 20/04).

L’Afrique du Sud, avec une population trois fois moins nombreuse, en a réalisé près de 114.000.

– « Demande inimaginable » –

« Nous n’avons aucune idée de l’ampleur de la propagation du Covid-19 au Nigeria », affirme un responsable d’un laboratoire médical privé.

Ce laboratoire a commandé des milliers de tests et une machine qui leur permettrait de réaliser plusieurs centaines de tests par heure, et « attend le feu vert du gouvernement », affirme cette source à l’AFP.

Mais « la demande pour ces kits hors des circuits officiels est inimaginable » et suscite un marché parallèle, rapporte ce responsable.

« Une ambassade voulait commander des milliers de tests (pour ses ressortissants), on les a renvoyés vers la NCDC », la Commission nationale de gestion des maladies, rapporte-t-il.

Certains criminels tirent néanmoins partie de cette demande, et le gouvernement a récemment mis en garde les Nigérians contre des publicités de « tests à faire à domicile frauduleux » qui « fleurissent sur la Toile ».

Comme dans de nombreux pays au monde, et pour des raisons évidentes de sécurité, les équipements spécialisés et les tests sont encadrés par les autorités officielles.

La NCDC conduit des programmes de tests en « porte à porte » à Abuja, et l’Etat de Lagos, épicentre des contaminations, tente de développer un réseau de dépistage dans tous ses quartiers.

A la mi-avril, le Nigeria comptait 12 laboratoires pour ses 36 Etats, avec une capacité de traiter entre 1.000 et 1.500 tests par jour.

– Secteur public à genoux –

Mais après des décennies de négligence, le secteur public de la santé est à genoux.

Près de 80% des institutions de santé dans le pays n’ont pas l’eau courante, rappelait Dr Francis Faduyile, le président de l’Association des médecins du Nigeria (NMA) le mois dernier.

« Mes patients ont peur que je les dénonce à la NCDC », raconte à l’AFP le médecin d’une clinique privée. « Avant de venir en consultation, ils me demandent +Si je viens, vous ne m’enverrez pas à Yaba?+ », en référence à l’un des centres d’isolation Covid-19 à Lagos.

Ce médecin, début avril, avait déjà vu une dizaine de patients suspectés d’avoir été contaminés par le coronavirus, mais un seul a accepté d’être testé: un coup d’épée dans l’eau, puisque les autorités sanitaires ont réalisé son test plus de 15 jours après s’être déclaré au NCDC, soit après la période d’incubation du virus.

Le rythme des tests officiels est « trop lent », regrette Zouera Issoufou directrice générale de la Fondation Dangote, qui porte le nom de l’homme le plus riche d’Afrique et partenaire privé du gouvernement, qui a commandé 250.000 tests.

Mais la demande mondiale explose, et « ils arrivent au compte-goutte », explique-t-elle.

Si le nombre officiel de décès liés au Covid-19 reste extrêmement faible dans un pays dans un pays si peuplé qui n’enregistre qu’une vingtaine de décès, « c’est que l’on ne teste pas les gens », assène Mme Issoufou.

– Des tests « dans son coin » –

Le Dr Richard Banda de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) au Nigeria, s’inquiète de ce marché parallèle et rappelle qu’il est « très dangereux de faire des tests dans son coin, dans des laboratoires privés, avec un risque de propagation du virus ».

Pour lui, « le manque d’informations fiables données lors des opérations de traçabilité est le problème majeur dans la lutte contre le Covid-19 au Nigeria ».

« Il y a encore beaucoup de stigmatisation autour de la maladie », conclue-t-il.

Un patient a été admis fin mars à l’hôpital universitaire de Lagos (LUTH), présentant tous les symptômes du coronavirus. Sa famille a menti, en omettant de dire qu’il avait déjà été testé positif.

« Ils avaient peur qu’on ne le prenne pas s’ils disaient la vérité », raconte un médecin à l’AFP. Le patient est finalement décédé et en plus des risques présentés pour les autres patients de l’hôpital, quatre médecins ont du être placés en quarantaine.

Dans un pays qui compte seulement 0,4 médecin pour 1.000 habitants (contre plus de 4 en France, selon les chiffres de la Banque Mondiale), « c’est très lourd pour nous », confie ce médecin du LUTH sous couvert d’anonymat.

Le personnel soignant comptait déjà 4 décès sur les 21 morts recensés officiellement au lundi 20 avril.

En télétravail, des Iraniennes luttent pour garder job et statut malgré le Covid-19

De l’effervescence électrisante des locaux de la start-up où elle exerce au télétravail isolée, Fereshteh a dû s’adapter face à la maladie Covid-19, comme nombre d’Iraniennes ayant décroché des jobs intéressants dans la high-tech et qui vont devoir se battre pour garder ce statut lors de lendemains incertains.

La voix un peu fatiguée au téléphone, contrastant avec le ton énergique qu’elle avait lorsque l’AFP l’a rencontrée dans son entreprise Alibaba il y a quelques semaines, Fereshteh Kasrai confie sur un ton malicieux être « plus efficace en télétravail… ».

« Mais émotionnellement, c’est dur, je ne suis pas habituée à rester aussi longtemps chez moi et l’interaction avec mes collègues me manque », dit cette Iranienne de 44 ans qui vit seule à Téhéran.

Cette responsable des ressources humaines ne cache pas ses « inquiétudes » pour l’entreprise, créée il y a cinq ans et dont le coeur du métier – le business du voyage – est très impacté.

Même si face au Covid-19, l’adaptation au pied levé à de nouvelles façons de travailler a été le mot d’ordre pour elle et ses collègues féminines afin de ne pas perdre ce statut souvent difficilement acquis.

Fereshteh a instauré de nouvelles routines avec ses équipes entre « vidéoconférences matinales sur Skype ou sur Zoom » et échanges « sur les projets en cours ».

A Alibaba, la majorité des employés est en ce moment en télétravail. Sans être officiellement confinés, les Iraniens – durement frappés par l’épidémie avec plus de 5.200 morts officiellement – ont été appelés à rester chez eux.

– « Iran Silicon Valley » –

En temps normal, entrer dans le grand entrepôt abritant le siège d’Alibaba à Téhéran, c’est entrer dans un autre Iran, loin des quartiers pauvres aux immeubles décrépis, des villes à l’histoire plurimillénaire ou des campagnes endormies.

Un panneau « Iran Silicon Valley » accueille le visiteur. On croise dans une ambiance branchée des food truck à cookies, des coussins géants dans les espaces de repos et des bureaux vitrés abritant des employés concentrés sur des ordinateurs Apple.

Des dizaines de jeunes femmes, en jean slim et foulard dévoilant largement leur chevelure, y travaillent avec des collègues masculins, dans une mixité qui ne va pas de soi partout en République islamique d’Iran.

Sur près de 700 employés à Alibaba, on compte 42% de femmes.

Certaines d’entre elles, comme Fereshteh – qui lors de sa rencontre avec l’AFP affichait un look travaillé, ongles vernis bleu et rouge à lèvres cerise – ont décroché des postes à responsabilité, un défi dans cette société très patriarcale.

Les plafonds de verre culturels et familiaux restent en général encore un frein dans la carrière des Iraniennes et notamment pour accéder aux postes de direction.

Plusieurs employées d’Alibaba témoignent des obstacles auxquels elles ont été confrontées dans le monde du travail, de l’avancement impossible sans réseau aux structures hiérarchiques trop lourdes.

« J’ai travaillé dans trois autres grandes entreprises, semi-privées ou liées au gouvernement, et j’ai eu le sentiment qu’il était très dur d’y évoluer, qu’il vous fallait impérativement connaître des gens influents », raconte Anis Amir Arjmandi, brune de 33 ans à l’abord chaleureux, directrice juridique à Alibaba.

Pour sa collègue Fatemeh Ashrafi, 38 ans, « dans une start-up, il y a plus d’espace pour faire entendre ses points de vue » et avoir des responsabilités. « On peut rencontrer nos managers quand on le souhaite, pas besoin d’attendre derrière leurs portes qu’ils nous accordent un peu de leur temps… »

Les « start-up sont dirigées par des générations plus jeunes, plus progressistes », souligne le journaliste spécialisé dans la high tech Khosro Kalbasi, basé à Téhéran.

Et de fait, le nombre de femmes dans les entreprises de high tech « a augmenté ces dernières années », relève-t-il, alors que selon lui l’Iran est l’un des pays les plus connectés du Moyen-Orient – avec un taux de pénétration de 87,19% pour internet et de 76,58% pour le web sur mobile (chiffres officiels).

– « Possibilité d’innover » –

Selon Azadeh Kian, professeur de sociologie à Paris et spécialiste de l’Iran, « 70% des étudiants en ingénierie et en sciences sont des étudiantes » dans ce pays.

« C’est aussi un secteur où elles savent qu’elles peuvent avoir plus de marge de progression et la possibilité d’innover ».

Fereshteh a pu constater que « les femmes imposent de plus en plus leurs voix dans le milieu du travail », se félicitant qu’à Alibaba le « vieux cliché selon lequel un programmeur doit absolument être un homme » a été brisé.

Le secteur des start-up, qui avait commencé à se développer dans les années 2000, a décollé à partir de 2013.

Mais les nouvelles technologies et l’utilisation des smartphones ont été durement touchées par le rétablissement en 2018 des sanctions américaines.

Effet inattendu des sanctions cependant: des entrepreneurs iraniens ont saisi l’occasion pour lancer leurs start-up, en s’inspirant de géants mondiaux bloqués en Iran pour créer un équivalent local, profitant d’un environnement protégé de la concurrence étrangère.

Parmi les plus réputées : Snapp (équivalent d’Uber), Digikala (pendant d’Amazon), cafe Bazaar (plateforme proposant des applications et des jeux développés par des Iraniens), Alibaba ou Tap30 (autre équivalent local d’Uber qui compte 1.400 employés à travers le pays.)

A Tap30, Mona Ahmadi, qui dirige à 33 ans 140 employés du centre d’appel, dit avoir trouvé « un bon job et un statut social ».

Au sein de cette société, « 45% de nos employés sont des femmes, la plupart ont moins de 30 ans et elles sont présentes dans tous les secteurs: marketing, technique, ressources humaines, centre d’appel », se félicite Negar Arab, 37 ans, responsable de la communication. Les équipes du juridique, des finances et de la communication y sont dirigées par des femmes.

L’une des réussites les plus marquantes dans ce secteur est aussi celle de Nazanin Daneshvar, 36 ans. Le site de vente au détail Takhfifan, co-fondé avec sa soeur il y a huit ans, est aujourd’hui la plus grosse start-up créée par une femme en Iran, employant 350 personnes.

On la remarque dans le e-commerce, où « pas assez de femmes » accèdent encore aux très hauts postes de direction, estime-t-elle.

En ce moment, ses bureaux sont fermés, le télétravail est généralisé. Certains employés ont pris des vacances, explique au téléphone d’une voix éprouvée Nazanin, le babillage de son bébé en fond sonore.

« Pour être honnête, c’est un grand choc (…) nos ventes ont considérablement chuté », confie-t-elle. « Nos employés font vraiment du bon boulot (…) mais ça prend énormément de temps et c’est épuisant » de télétravailler et gérer les équipes à distance.

– Pressions familiales –

Même avant la crise du Covid-19, le quotidien de cette entrepreneure était « encore difficile ».

Il y a quelques années, « il fallait que j’emmène mon père à tous mes rendez-vous (avec des investisseurs) car personne ne me prenait au sérieux comme manager, alors je disais que c’était lui le manager de ma société ».

Déjà en temps normal, « beaucoup n’arrivent pas à gérer la pression de leurs maris ou de leurs mères pour être moins impliquées dans leur travail; j’ai des employées qui ont démissionné parce qu’elles ne pouvaient plus assurer ce qu’on attend d’une femme traditionnelle ».

Dans cette période où nombre d’Iraniennes télétravaillent, les pressions familiales sont encore plus prégnantes, témoigne Nazanin.

Negar, la responsable de communication de Tap30, qui comme les autres entreprises accuse le coup de la crise sanitaire, a vu tout son quotidien chamboulé. Elle confie être « très occupée » entre le télétravail et s’occuper de sa fillette et de sa famille.

Et avec de probables suppressions d’emploi liées aux crises sanitaire et économique, les femmes risquent d’être plus visées que les hommes.

Notamment dans les entreprises gouvernementales et semi-gouvernementales où « la plupart des postes de direction sont occupés par des hommes et les postes moins prestigieux par des femmes », relève Anis Amir Arjmandi la directrice juridique à Alibaba.

Elle critique ainsi « la persistance d’un mode de pensée » où l’on préfère donner en priorité les emplois à des hommes parce qu’ils sont chefs de famille et doivent ramener l’argent à la maison.

« S’il y a le choix entre préserver le job d’une femme célibataire ou d’un homme marié, c’est ce dernier qui sera maintenu en poste; ce n’est pas juste mais c’est comme ça dans cette mentalité ».

ONU: les pays de l’Assemblée générale s’arrogent un droit de veto

Les 193 pays de l’Assemblée générale de l’ONU ont adopté lundi une résolution appelant à un « accès équitable » aux « futurs vaccins », lors d’une procédure singulière liée au Covid-19 qui revient à leur donner un droit de veto inédit dans cette enceinte.

Non contraignant, le texte du Mexique adopté par consensus demande de « renforcer la coopération scientifique internationale pour combattre le Covid-19 et d’intensifier la coordination », y compris avec le secteur privé.

En temps ordinaire, les membres de l’Assemblée générale n’ont pas de droit de veto, privilège depuis la création de l’Organisation il y a 75 ans des seuls cinq membres permanents du Conseil de sécurité: Etats-Unis, Russie, Chine, France et Royaume Uni.

En temps ordinaire, ils approuvent les textes par consensus sans scrutin ou à la majorité des voix lors de votes électroniques ou par bulletins secrets lorsqu’il s’agit d’élections.

Sans possibilité de se réunir pour cause de confinement, l’Assemblée a imaginé une nouvelle procédure applicable jusqu’à fin mai, voire fin juin si les services médicaux de l’ONU confirment leur recommandation d’éviter jusqu’à cette échéance tout rassemblement physique au siège à New York.

Lorsqu’un pays finalise un projet de texte, il le transmet au président de l’Assemblée qui lance un vote « sous silence » avec un terme quelques jours plus tard. Si aucun membre ne casse le silence, le texte est considéré comme adopté. A défaut, il est rejeté.

Autrement dit, chaque membre de l’ONU dispose d’un « droit de veto » sur le texte d’un autre, confirment des diplomates. Avec aussi le risque de se voir cloué au pilori par tous les autres s’il active seul la rupture de silence.

Pour l’Assemblée, la nouvelle procédure était indispensable pour continuer à adopter des textes ne pouvant être repoussés, comme des autorisations budgétaires. Elle pousse certes au consensus et à l’adoption de textes. Mais elle donne aussi le droit à un pays de bloquer l’ensemble de la machine onusienne…

Dans le cas de la résolution mexicaine, consensuelle, personne ne s’y est risqué. Pas plus que lors de la première adoption d’un texte portant sur le Covid-19 le 3 avril qui réclamait une « coopération » internationale pour mieux lutter contre la maladie.

En revanche, ce même 3 avril, un texte de la Russie appelant à la levée de sanctions internationales au motif de faciliter aussi le combat contre le Covid-19 a été sèchement bloqué par l’Ukraine, la Géorgie, les Etats-Unis et l’Union européenne.

– Sueurs froides –

Cette semaine, Moscou revient à la charge avec un nouveau projet de résolution qui demande encore de s’abstenir de sanctions. Son texte prévoit un engagement des Etats membres « à faire face aux défis mondiaux en bons voisins, en s’abstenant d’appliquer des mesures protectionnistes et discriminatoires en contradiction avec les règles de l’Organisation mondiale du Commerce ».

Il est soumis à un vote « sous silence » expirant mercredi à 16h00 GMT. Tout comme un projet de l’Arabie Saoudite, présidente du G20, insistant sur la nécessaire « coopération » face au Covid-19.

Selon des diplomates, le projet saoudien devrait être adopté alors que la nouvelle initiative russe est vouée à l’échec.

La nouvelle procédure d’adoption instituée par l’Assemblée générale était « nécessaire mais elle est incomplète », analyse un diplomate sous couvert d’anonymat. Les consultations avant le vote sont limitées, et sans unanimité il n’y a pas d’adoption. « C’est moins démocratique » qu’avant, estime le même diplomate.

Pour mettre de l’ordre dans les propositions de textes sur le Covid-19 afin d’éviter une « prolifération » sur un même sujet, l’Assemblée générale s’est dotée lundi de deux « coordonnateurs » (Afghanistan et Croatie).

L’Espagne et l’Egypte, qui travaillent sur des résolutions sur la protection des femmes et des filles, pourraient être contraintes de s’entendre sur un texte unique avant une mise au vote.

L’Assemblée devra aussi trancher le cas épineux de l’élection de cinq nouveaux membres non permanents au Conseil de sécurité pour la période 2021-2022, programmée le 17 juin.

A défaut d’une rencontre dans la vaste chambre de l’Assemblée au siège de l’ONU, y aura-t-il un vote électronique pour ce scrutin habituellement secret avec bulletins et urnes? Comment éviter les manipulations et garantir la transparence de la procédure?

Parmi les candidats faisant face à des rivaux – Canada, Irlande, Norvège, Djibouti, Kenya -, certains ont déjà des sueurs froides, selon des diplomates.

Séoul minimise des informations sur l’état de santé de Kim Jong Un

La Corée du Sud a minimisé mardi des informations selon lesquelles le leader nord-coréen Kim Jong Un aurait été récemment opéré, alors que certains observateurs s’interrogent sur son absence lors de célébrations à Pyongyang la semaine dernière.

La Corée du Nord a célébré le 15 avril le 108e anniversaire de la naissance du fondateur du régime, Kim Il Sung, qui est le grand-père du dirigeant actuel. Cette date est de loin la plus importante du calendrier politique au Nord. Mais Kim Jong Un n’a été vu sur aucune des photographies diffusées par la presse officielle.

Daily NK, un média en ligne géré essentiellement par des Nord-Coréens ayant fait défection, a affirmé que le leader nord-coréen avait été opéré en avril pour des problèmes cardio-vasculaires, et qu’il était en convalescence dans une villa dans la province de Phyongan du Nord.

« La raison du traitement cardio-vasculaire urgent qu’a subi Kim était son tabagisme excessif, son obésité et sa fatigue », affirme Daily NK en citant une source nord-coréenne non identifiée.

Cette information n’a pas été confirmée. Mais elle a suscité un déluge de spéculations.

Citant un responsable américain, CNN rapporte de son côté que Washington « étudie des informations » selon lesquelles Kim Jong Un est « en danger grave après une opération chirurgicale », sans dire si ces « informations » sont en fait l’article de Daily NK.

« Nous n’avons rien à confirmer et aucun mouvement particulier n’a été détecté en Corée du Nord », a déclaré dans un communiqué un porte-parole de la Maison bleue, la présidence sud-coréenne.

Certains responsables sud-coréens ont cependant fait part de leurs doutes quant à la crédibilité des informations de Daily NK.

La couverture de l’actualité nord-coréenne est particulièrement compliquée, en particulier pour tout ce qui a trait à la vie privée de M. Kim, qui est un des secrets les mieux gardés du régime.

Le ministère sud-coréen de l’Unification, qui gère les questions intercoréennes, et celui de la Défense se sont refusés à tout commentaire.

Moon Chung-in, conseiller à la sécurité du président sud-coréen Moon Jae-in, a dit à l’AFP n’avoir rien entendu de spécial concernant la santé de M. Kim.

La dernière fois que les médias nord-coréens ont fait état des activités de M. Kim remonte au 12 avril. Et ce n’est pas la première fois que son « absence » alimente toute sorte de spéculations.

Certains experts ont dès lors appelé à la plus grande prudence.

« Il n’y a aucune confirmation à ce stade et il est trop tôt pour tirer des conclusions sur son état de santé », a estimé Ahn Chan-il, un transfuge du Nord devenu chercheur à Séoul.

Il a relevé qu’une opération du coeur impliquait du matériel médical de pointe qui ne se trouve « que dans des établissements de Pyongyang ». Il ne serait « pas raisonnable » de le transporter ailleurs pour l’opération.

Coronavirus: le pétrole rebondit, l’Europe assouplit ses restrictions

Forts de signes de ralentissement de l’épidémie de coronavirus, certains pays d’Europe, dont l’Allemagne, commencent à assouplir progressivement le confinement qui a mis l’économie à l’arrêt et provoqué un effondrement historique du prix du pétrole, lequel rebondit toutefois mardi après avoir atteint un niveau négatif jamais vu dans l’histoire.

Le cours du baril, passé en-dessous de zéro pour la première fois face à une chute vertigineuse de la demande et à des réserves américaines proches de la saturation, reprend un peu de force mardi matin en Asie, pour revenir légèrement au-dessus de zéro. Le baril de 159 litres de pétrole brut coté à New York pour livraison en mai avait terminé lundi à -37,63 dollars, après un plongeon épique.

« Le problème c’est qu’en ce moment dans le monde, personne ne conduit de voiture », a observé le président américain Donald Trump. « Les usines sont fermées et les commerces sont fermés. »

Pour le Premier ministre russe Dimitri Medvedev, une entente de type cartel pourrait expliquer cette chute spectaculaire du prix de l’or noir. « Ce à quoi nous assistons en matière de contrats à terme sur le pétrole rappelle beaucoup une entente de type cartel », a écrit mardi M. Medvedev sur sa page Facebook, préconisant des mesures pour calmer le marché.

Jugeant la pandémie de coronavirus « sous contrôle », l’Allemagne – qui recense 140.000 cas et environ 4.400 décès – a commencé à assouplir les mesures de confinement, une délicate opération dans une Europe cloîtrée depuis des semaines. Le Vieux continent a aussi payé, à ce stade, le plus lourd tribut à la maladie Covid-19, comptant près des deux tiers des plus de 168.000 morts recensés dans le monde lundi.

– « Incroyablement heureuse » –

Les autorités allemandes ont autorisé la réouverture des magasins d’une surface inférieure à 800 m2 : commerces d’alimentation, librairies, garages, magasins de vêtements et autres fleuristes peuvent de nouveau accueillir des clients.

A Leipzig, Manuela Fischer, propriétaire d’une boutique de mode, se disait « incroyablement heureuse » de rouvrir son commerce, en sortant ses modèles en terrasse sous le soleil printanier.

Lieux culturels, bars, restaurants, terrains de sports demeurent néanmoins fermés. Les grands rassemblements tels que les concerts ou compétitions sportives, sont toujours interdits, au moins jusqu’à fin août. Ecoles et lycées rouvriront progressivement à partir du 4 mai. Les rassemblements de plus de deux personnes restent proscrits, une distance minimale de 1,5 mètre est censée être observée dans les lieux publics, et le port du masque « fortement recommandé ».

La situation reste « fragile », a prévenu la chancelière Angela Merkel. « Nous sommes au début de la pandémie et nous sommes encore loin d’être sortis de l’auberge », a-t-elle déclaré, jugeant qu’il serait « extrêmement dommage de connaître une rechute ».

– « Morgue fermée » –

Cette stratégie de sortie de crise, mise en œuvre par l’Allemagne, locomotive économique du vieux continent, est scrutée par une Europe qui vit sous cloche depuis près d’un mois, et dont certains pays s’apprêtent à entamer le défi du déconfinement à mesure que la maladie y apparaît contenue.

Signe de l’urgence économique, la Banque d’Espagne prévoit pour 2020 une chute vertigineuse, « sans précédent dans l’histoire récente », de 6,6% à 13,6% du PIB de la quatrième économie de la zone euro en raison de la pandémie. Au Royaume-Uni, les entreprises ont fait faillite par milliers entre début mars et mi-avril et en bien plus grand nombre qu’il y a un an, d’après une étude parue lundi.

En Serbie, certaines mesures de restriction seront assouplies à partir de mardi. Les personnes de plus de 65 ans pourront ainsi sortir se promener trois fois par semaine, si elles restent près de chez elles.

La Norvège a commencé lundi à rouvrir ses « barnehager », établissements qui englobent crèches et école maternelle, premier pas d’une levée lente et progressive des restrictions décrétées mi-mars.

« Il était si impatient qu’on a dû quitter la maison plus tôt pour venir ici et voir les autres enfants », raconte Silje Skifjell au sujet de son aîné, après avoir confié ses deux garçons, Isaak et Kasper, au personnel. « Il était tellement heureux de revoir ses copains ».

Au Danemark, les petits commerces ont reçu lundi la permission de rouvrir leurs portes, à conditions d’appliquer de strictes mesures d’hygiène et de séparation.

La France, l’Espagne et l’Italie, très touchées par l’épidémie, se préparent elles aussi à de premières mesures de déconfinement dans les jours ou les semaines à venir.

L’Italie a été le pays le plus affecté (24.114 décès), suivi de l’Espagne (20.852), la France (20.265) et du Royaume-Uni (16.509), selon un dernier bilan établi à partir de sources officielles.

Certains de ces pays enregistrent des signaux encourageants: en Italie, le nombre de malades a baissé lundi pour la première fois, ce que le chef de la protection civile Angelo Borelli a qualifié de « donnée positive ». Et au Royaume-Uni, 449 morts ont été enregistrés lundi, soit le plus faible bilan quotidien depuis le 6 avril.

La France a fait lundi un premier pas en autorisant à nouveau, sous conditions, les visites aux pensionnaires des maisons de retraite.

En Italie, les premières mesures d’allègement ne seront pas prises avant le 3 mai. Mais peu à peu les entreprises rouvrent, même si c’est de façon partielle et avec beaucoup de précautions.

En Espagne, la morgue improvisée dans une patinoire de Madrid, un moment symbole de l’hécatombe, fermera mercredi.

– « Anti-confinement » –

En revanche au Royaume-Uni, le confinement instauré le 23 mars a été prolongé d’au moins trois semaines jeudi et le gouvernement n’envisage pas encore d’en sortir.

Même son de cloche aux Etats-Unis, pays officiellement le plus endeuillé au monde par le Covid-19, qui a déploré lundi 1.433 morts en 24 heures. Si Donald Trump a dévoilé un plan pour relancer l’économie de la première puissance mondiale, la majorité du pays est encore confinée. Au grand dam des Américains « anti-confinement » qui après le Texas et une dizaine d’autres Etats ce week-end, ont manifesté lundi à Harrisburg, en Pennsylvanie.

« La nouvelle normalité » nécessitée par le virus « ne veut pas dire que nous devons sacrifier nos libertés pour la sécurité de notre pays » a lancé, depuis le haut des marches du Capitole, un parlementaire local républicain, Aaron Bernstine, alors que la foule scandait « USA! USA! USA! », comme dans les meetings électoraux du président Trump, suspendus par l’épidémie.

Le président Trump a annoncé lundi soir une « suspension temporaire » de l’immigation aux Etats-Unis pour « protéger les emplois » des Américains.

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Nord-est du Nigeria: un infirmier de MSF meurt du Covid-19, le Borno décrète un confinement total

Le gouverneur de l’Etat du Borno, dans le nord-est du Nigeria, une région parmi les plus pauvres du monde décimée par 10 ans de conflit avec les jihadistes de Boko Haram, a annoncé lundi la mise en place d’un confinement total, après la mort d’un infirmer de Médecins sans frontières (MSF) des suites du Covid-19.

« J’ordonne un confinement qui implique la cessation de tout mouvement dans l’Etat du Borno pour une période initiale de 14 jours à compter de mercredi 22 avril 2020 », a fait savoir le gouverneur Babagana Zulum, dans un communiqué.

Plusieurs autres Etats ont déjà pris ces mesures très strictes dans le reste du Nigeria et celles-ci ont entraîné de fortes protestations sociales dans ce pays où près de la moitié de la population vit dans une extrême pauvreté.

Cette mesure a été mise en place à la suite de l’annonce de la mort d’un infirmier nigérian de MSF, testé positif au Covid-19 au cours d’une analyse post-mortem. C’est le premier cas déclaré de coronavirus dans le Borno, mais les Nations unies ont précisé qu’il « n’avait aucun antécédent de voyage en dehors de l’État de Borno ».

Les travailleurs humanitaires et les autorités locales ont mis en garde contre une catastrophe si le virus venait à se répandre parmi les quelque deux millions de personnes déplacées dans la région du lac Tchad, qui souffrent déjà de conditions sanitaires et médicales déplorables.

Cette région, qui est l’une des plus pauvres du monde, est extrêmement vulnérable avec sept millions de personnes dépendant déjà de l’aide humanitaire pour survivre et quasiment tous les services publics ont été anéantis par le conflit.

L’ONG MSF a déclaré qu’elle apportait son soutien aux autorités pour identifier « les personnes qui ont pu être en contact avec lui (le virus, ndlr) ».

MSF « continuera également à apporter son aide » dans cette région où le système de santé est défaillant après une décennie de guerre contre les jihadistes.

« Dans le but de protéger nos équipes et nos patients, MSF a renforcé ses mesures d’hygiène, ses contrôles et a mis en place des espaces d’isolement » pour les patients soupçonnés d’être positifs au coronavirus, selon le communiqué.

« Les acteurs humanitaires ont adapté leur façon de travailler pour empêcher la propagation du virus » dans la région, a tenu à préciser Edward Kallon, le coordinateur humanitaire des Nations unies au Nigeria, dans un communiqué.

« Une installation de traitement du Covid-19 et un laboratoire de tests ont été mis en place à Maiduguri et une deuxième installation de traitement » est en voie de création, a-t-il indiqué.

« Les acteurs humanitaires installent des stations de lavage des mains et assurent l’approvisionnement en eau potable dans les camps de déplacés et les communautés vulnérables », selon le texte.

L’infirmier qui a perdu la vie est la 21e personne à être morte du Covid-19 officiellement recensée au Nigeria, mais les professionnels de santé mettent en garde contre une propagation beaucoup plus importante du virus sur son territoire : 7.000 tests seulement ont été réalisés à ce jour dans ce pays, le plus peuplé d’Afrique avec près de 200 millions d’habitants.

Confinement levé au Ghana: la vie normale reprend, l’inquiétude reste

Le Ghana est devenu lundi le premier pays d’Afrique à lever le confinement imposé depuis trois semaines: une décision qui soulage les plus pauvres autant qu’elle inquiéte sur l’avenir de la propagation du coronavirus dans le pays.

C’était comme si Accra était aussitôt revenue à la normale: ses rues et ses marchés bourdonnaient de vie après l’annonce par le président Nana Akufo-Addo, la veille au soir, de lever le confinement dans la capitale et dans la seconde ville du pays, Kumasi.

Le chef de l’Etat a assuré que grâce à une importante augmentation des capacités de dépistage, la traçabilité des personnes en contact avec les malades et l’ouverture de nouveaux centres de quarantaine, le pays était en mesure de retrouver un semblant de vie quotidienne.

Jemima Adwoa Anim était ravie d’être de retour dans son commerce du centre d’Accra. Devant son échoppe, les piétons et les voitures ne désemplissent pas.

« C’est un énorme soulagement. Notre gouvernement nous a entendus », a-t-elle déclaré à l’AFP. « C’était comme pendant une guerre: nous n’avions pas d’argent et en même temps, nous ne pouvions pas travailler pour gagner de quoi manger. Que Dieu bénisse notre président ».

Mais dans la périphérie de la capitale, cette décision a soulevé de nombreuses critiques. Le Ghana enregistrait lundi plus de 1.000 cas officiels de coronavirus, de quoi inquiéter sur sa future propagation.

« C’est totalement ridicule. Comment est-ce possible? », interrogeait Francis Collison, un étudiant de 20 ans. « Nous venons d’enregistrer plus de 1.000 cas positifs de COVID-19 et c’est maintenant que le président décide de lever les mesures de confinement ».

La grande majorité des Ghanéens, bien qu’ils craignent cette décision, n’ont juste pas d’autre choix que de retourner travailler, dépendant bien souvent de l’économie informelle pour survivre.

– Equilibre difficile –

La décision du Ghana de lever le confinement sera surveillée de près à travers l’Afrique.

En effet, sur tout le continent, les autorités sont aux prises avec un difficile équilibre: comment freiner la propagation du virus tout en permettant à des millions de personnes vivant dans la pauvreté de gagner de l’argent et se nourrir?

Le gouvernement ghanéen insiste sur le fait qu’il est en bonne position pour contrôler la pandémie, après avoir appliqué une mise en quarantaine stricte des arrivées de l’étranger le mois dernier.

Le pays a également réalisé de nombreux tests: plus de 68.000 pour une population de près de 30 millions d’habitants.

Malgré la levée du confinement, les frontières du pays et les écoles restent fermées, les rassemblements sont interdits et le président a conseillé le port du masque.

Des mesures largement insuffisantes selon le personnel médical. « Cette décision de lever le confinement a mis à plat tous les efforts que nous avons déployé jusqu’à maintenant », explique à l’AFP, Abigail Sosu, une infirmière.

« J’ai peur. Nous n’avons pas les ressources si une deuxième vague du virus devait se propager dans le pays. »

– « Pari politique » –

Alors que l’élection présidentielle est toujours prévue pour la fin de l’année, la gestion de la crise du coronavirus, qui pour l’instant avait échappé aux querelles politiques, est désormais un argument pour l’opposition.

Peu après l’intervention du chef de l’Etat, le communiqué de l’opposition ne s’est pas fait attendre.

« La décision du président Akufo-Addo de lever le confinement à ce moment crucial de l’épidémie est un pari politique imprudent qui laisse présager un grand danger pour cette nation », a déclaré le Congrès national démocrate, principal parti d’opposition, dirigé par l’ex-président John Mahama.

Un pari que pour l’instant, la majorité la plus pauvre semble toutefois soutenir, en sortant dans les rues et en retrouvant une vie normale malgré les dangers de contamination.