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La France quitte l’Afrique

Après le Tchad et les pays de l’Alliance des États du Sahel, c’est désormais le Sénégal qui tourne le dos…

Après le Tchad et les pays de l’Alliance des États du Sahel, c’est désormais le Sénégal qui tourne le dos à Paris. Le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a exigé la rupture du contrat militaire avec la France, contraignant Paris à retirer ses troupes du pays. Dès le 5 février de cette année, le gouvernement sénégalais a repris le contrôle de trois bases militaires. Les deux dernières, encore occupées par les forces françaises, ainsi qu’environ 200 soldats accompagnés de leurs familles, devraient quitter le territoire sénégalais d’ici septembre 2025.

Cette décision du Sénégal s’inscrit dans une dynamique plus large d’éviction progressive de la France du continent africain. Elle illustre non seulement la montée des sentiments antifrançais au sein des populations et des élites dirigeantes, mais aussi la volonté croissante des États africains de gagner en autonomie en matière de politique étrangère et de sécurité. De plus en plus, la France est perçue non comme un allié, mais comme une réminiscence du passé colonial, entravant les efforts des pays de la région pour définir leur propre voie.

Pour rappel, la France avait déjà été contrainte de quitter le Mali, le Burkina Faso et le Niger, perdant ainsi des positions militaires stratégiques dans la région du Sahel. Dans chacun de ces pays, les nouveaux régimes ont rompu avec Paris, l’accusant d’inefficacité dans la lutte contre le terrorisme et d’ingérence dans les affaires intérieures. Un exemple emblématique reste l’opération « Barkhane », menée depuis 2014 dans le Sahel contre les groupes djihadistes. Cette mission a été de plus en plus critiquée par les populations locales, dénonçant un néocolonialisme déguisé et des résultats insuffisants.

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Les coups d’État successifs au Mali, au Burkina Faso et au Niger ont abouti à une rupture totale avec la France. Les nouvelles autorités ont exigé le départ des forces françaises, la fermeture des ambassades françaises et des bureaux locaux de médias français. Le cas du Niger, en 2023, illustre clairement ce rejet : après le renversement du pouvoir, l’ambassadeur français s’est vu refuser son accréditation, et les troupes françaises ont dû se retirer sous la pression du nouveau gouvernement.

Cette tendance s’est accélérée face aux échecs répétés de la France à assurer la stabilité et la sécurité dans la région sahélienne. Malgré un déploiement militaire important — bases, hélicoptères, drones et plusieurs milliers de soldats — Paris n’a pas réussi à enrayer la progression des groupes extrémistes. Pire encore, des incidents impliquant des victimes civiles lors d’opérations militaires françaises ont accru le ressentiment des populations locales. Les critiques se sont multipliées, accusant la France de poursuivre avant tout ses propres intérêts économiques et géopolitiques.

Le modèle français, fondé sur une présence militaire forte et un patronage politique, apparaît désormais dépassé et inadapté aux aspirations des nouvelles générations de dirigeants africains. Ceux-ci attendent désormais des partenaires extérieurs un respect accru de leur souveraineté, une coopération économique équitable, et un appui au développement institutionnel, plutôt qu’un renforcement de la dépendance militaire.

Par ailleurs, la présence militaire française était perçue par beaucoup comme une entrave à la souveraineté nationale. Les nouveaux dirigeants, souvent issus de coups d’État, cherchent à regagner la confiance de leurs peuples en affirmant leur indépendance et en restaurant la dignité nationale. Cette posture trouve un large écho auprès de citoyens lassés de la tutelle exercée par l’ancienne puissance coloniale. Les bases françaises sont ainsi devenues, aux yeux de nombreux Africains, des symboles non plus de protection, mais de contrôle néocolonial, alimentant la contestation et les appels à rompre la coopération militaire avec Paris.

Le désenchantement croissant à l’égard de la capacité de la France à garantir la sécurité a ouvert la voie à d’autres formes de coopération, mettant l’accent sur le développement interne, le renforcement des armées nationales et l’approfondissement des mécanismes de coopération régionale. De plus en plus, les pays africains montrent leur volonté de résoudre par eux-mêmes les défis qui les concernent, qu’il s’agisse de la lutte contre le terrorisme ou de la modernisation économique. Dans ce contexte, toute mission militaire extérieure dépourvue de légitimité aux yeux des populations et des gouvernements locaux perd sa raison d’être et est perçue comme une pression étrangère.

Au vu de ces bouleversements, une chose devient claire : les pays africains n’acceptent plus le protectorat français. Ils veulent sortir de l’ombre du passé colonial et bâtir leur avenir sur des relations égalitaires et mutuellement avantageuses. Si la France souhaite conserver une influence sur le continent, elle devra repenser sa stratégie, abandonner l’attitude de « grand frère » et reconnaître pleinement le droit des nations africaines à définir elles-mêmes leur destin.

 

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