« Je voudrais, à l’entame de mes propos, rendre grâce à Dieu. Qu’Il soit loué pour ses infinies faveurs et bénédictions et qu’Il veille sur notre pays et facilite son cheminement vers la décentralisation.
C’est avec une réelle conviction, une profonde détermination et une légitime fierté que je m’adresse à vous, à l’occasion de ce Séminaire National sur la Décentralisation, un événement à la fois inédit et historique pour notre pays.
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Depuis l’adoption de la nouvelle Constitution, notre pays s’est doté d’un cadre juridique et institutionnel cohérent, tirant les enseignements des expériences passées. Les lois organiques adoptées à cet effet, constituent désormais le socle juridique des nouvelles reformes notamment celles en lien avec la décentralisation.
En effet, cette décentralisation, fruit de notre vision politique pour un État moderne, efficace et proche des citoyens, n’est pas une simple réforme administrative. Elle est l’expression concrète de la volonté du peuple exprimée, lors du référendum constitutionnel organisé, conformément aux résolutions du Dialogue National Inclusif et Souverain.
Elle incarne notre engagement à bâtir un Tchad où les décisions se prennent au plus près des réalités locales, où les ressources sont gérées en toute transparence et équité, et où chaque collectivité autonome peut développer ses potentialités propres.
Cette réforme est une première dans l’histoire de notre pays. Comme toute réforme majeure, elle ne sera pas facile à mettre en œuvre, c’est pourquoi, tous les acteurs concernés doivent se donner le temps pour réussir cette mutation, en saisir les avantages et en corriger les failles.
Tous les pays ayant choisi la décentralisation ont dû affronter les défis multiformes inhérents, prendre le temps nécessaire, trouver les ressources adéquates et franchir les entraves socioculturelles dans le processus de sa mise en œuvre.
Mesdames et Messieurs,
La décentralisation est un choix constitutionnel, politique et stratégique. Elle répond aux aspirations profondes de nos populations : gouverner à la base, gouverner au plus près, valoriser les potentialités locales, corriger les inégalités territoriales et renforcer l’unité nationale.
Notre conception de cette décentralisation repose sur un principe fondamental : la complémentarité entre l’État et les collectivités autonomes à travers la redéfinition des rôles respectifs pour une action publique plus cohérente et plus efficace.
Une redéfinition des rôles, des attributions et prérogatives des uns et des autres, dans le strict respect des lois organiques notamment la Loi 14 : portant statut de collectivités autonomes, ainsi que la Loi 28 : portant répartition des compétences entre l’État et les collectivités automnes.
En simplifiant notre organisation territoriale autour des échelons provinciaux et communaux, nous avons fait le choix de l’efficacité et de l’équité.
Les collectivités autonomes sont désormais les pivots de notre développement territorial, des véritables laboratoires d’innovation sociale, économique et environnementale.
Chers élus locaux, vous êtes les dépositaires de la confiance des populations locales. Cette confiance nous oblige tous. Elle vous impose de placer l’intérêt général au-dessus des considérations partisanes, d’agir avec intégrité et transparence, et de rendre compte régulièrement de vos actions aux citoyens.
L’État demeure le garant de la sécurité, de l’intégrité territoriale, l’unité nationale, de la cohésion sociale et de l’égalité des citoyens. Les collectivités autonomes, quant à elles mobilisent les énergies territoriales et mettent en œuvre des solutions innovantes pour répondre aux besoins des populations.
Aujourd’hui, le rôle des représentants de l’État, notamment les Délégués Généraux du Gouvernement auprès des Provinces est profondément revu dans le cadre de cette réforme. Le Changement de dénomination de Gouverneur à délégué général n’est pas que sémantique, mais répond à une vision nouvelle de la gestion territoriale de nos provinces.
J’appelle les représentants de l’État et les élus locaux à établir une relation de confiance et de respect mutuel. Cette relation doit être fondée sur le dialogue permanent, la transparence, la reconnaissance et le respect des rôles respectifs de chacun.
Les représentants de l’État ne doivent pas interférer dans la gestion quotidienne des collectivités autonomes. Ils doivent respecter le principe de l’autonomie et accompagner les élus locaux dans l’exercice de leurs responsabilités, en leur apportant conseil et assistance.
De leur côté, les élus locaux doivent comprendre que les représentants de l’État ne sont pas leurs adversaires, mais leurs partenaires dans la mise en œuvre des politiques publiques. En cas de besoin, ils peuvent solliciter leur expertise, les associer à leurs réflexions stratégiques et les informer de leurs initiatives.
Cette collaboration constructive entre l’État et les collectivités est la condition sine qua non de la réussite de notre réforme. Elle seule permettra de surmonter les obstacles, de mobiliser toutes les énergies et de garantir un développement harmonieux et équilibré de nos territoires.
Mesdames et Messieurs,
Le transfert effectif des compétences et des ressources aux collectivités autonomes constitue le cœur opérationnel de notre réforme. Ce transfert doit obéir à deux principes fondamentaux : laprogressivité et la concomitance.
Par la progressivité nous procéderons par étapes, en fonction du niveau de préparation des collectivités et de la disponibilité des ressources. Certaines compétences seront transférées immédiatement, d’autres le seront au fur et à mesure.
Par la concomitance nous devons nous assurer que les compétences soient transférées en même temps que les ressources humaines, financières et matérielles correspondantes.
Sur ce point, je voudrais insister sur la fonction publique territoriale qui doit permettre de gérer localement la carrière et la rémunération du personnel affecté et mettre fin ainsi à la concentration des fonctionnaires dans la capitale.
Pour concrétiser ce transfert, le Gouvernement est instruit à l’effet d’élaborer, en concertation avec les représentants des élus locaux, un calendrier précis et réaliste. Ce calendrier doit contenir les compétences à transférer, les ressources correspondantes et les indicateurs de suivi et d’évaluation.
En parallèle, nous mettrons en place un dispositif national de formation et d’accompagnement des élus et des agents des collectivités autonomes. Car la décentralisation ne réussira que si nous disposons des compétences nécessaires pour la faire vivre au quotidien.
La question du financement des collectivités autonomes est au cœur de notre réforme. Notre stratégie de financement repose sur quatre piliers complémentaires :
- Le renforcement de la fiscalité locale, pour donner aux collectivités autonomes une véritable autonomie financière. Les impôts et taxes locaux doivent être simplifiés, modernisés et mieux recouvrés ; –
- La création d’un mécanisme d’équité financière, pour réduire les inégalités entre territoires riches et territoires moins dotés. La solidarité nationale doit s’exprimer concrètement dans l’allocation des ressources ;
- La mise en place d’un fonds national de développement des collectivités autonomes, alimenté par le budget de l’État et par les contributions des partenaires au développement ;
- L’encouragement des partenariats public-privé au niveau local, pour mobiliser des ressources additionnelles et stimuler le développement économique territorial.
J’invite les participants à ce séminaire à approfondir ces pistes, à identifier les obstacles potentiels et à proposer des solutions innovantes pour garantir un financement pérenne et équitable des collectivités autonomes. Cette stratégie devra être déclinée et défendue lors de la table ronde du Plan national de développement « Tchad connexion 2030 ».
J’encourage vivement les élus locaux à mettre en place des mécanismes de participation citoyenne adaptés aux réalités locales : conseils de quartier, budgets participatifs, consultations publiques, comités d’usagers des services publics. Ces mécanismes permettront de recueillir les besoins et les attentes des populations, de valoriser l’expertise citoyenne et de renforcer l’adhésion aux projets locaux.
La transparence dans la gestion des ressources est également un impératif absolu. Les budgets, les marchés publics, les subventions accordées doivent être rendus publics et accessibles à tous les citoyens. Les outils numériques doivent faciliter cette transparence.
Enfin, j’insiste sur la recevabilité qui découle de cette nouvelle donne. Les élus locaux doivent régulièrement rendre compte de leur action, expliquer leurs choix et ajuster leurs stratégies en conséquence.
Mesdames et Messieurs,
Du haut de cette tribune, je voudrais insister avec force sur un aspect important : c’est celui de la bonne gouvernance.
L’expérience a montré, malheureusement, que les entités locales ont reproduit à la perfection, parfois avec même plus de gravité, les mauvaises pratiques qui ont tant handicapé l’action publique au niveau national.
Mesdames et messieurs les élus locaux,
Je m’adresse directement à vous : ce ne sont ni les textes, ni les ressources financières, ni les séminaires qui garantiront à eux seuls, le succès de l’action publique. La bonne gouvernance en général et la gestion rigoureuse des deniers et biens publics en particulier ne sont pas des principes théoriques. Sans une gouvernance exemplaire, l’échec sera au rendez-vous de la fin de vos mandats.
Je ne tolérerai aucun écart dans la gestion des ressources des collectivités autonomes. Pour ce faire, la Cour des comptes, l’Autorité Indépendante de lutte contre la corruption et la justice sont appelées à jouer pleinement leur rôle, pour asseoir une administration locale saine.
Les querelles intestines motivées par les intérêts personnels doivent cesser. Le statut d’élu local tire sa noblesse de l’engagement désintéressé, du dévouement et de la sincérité qui doivent animer chaque élu qui se met au service des autres et non qui met les autres à son intérêt propre.
Le Tchad est pays géographiquement immense, culturellement varié et économiquement épars. Ces réalités ont contribué à nourrir notre conviction que le Tchad ne peut se gouverner, seulement à partir de la capitale.
Je souligne mon espoir, une fois de plus, que ce séminaire donnera les codes pour une parfaite maîtrise de la décentralisation afin de garantir des pratiques et des comportements vertueux par l’ensemble des acteurs.
En sus des mécanismes permanents de contrôle et de suivi existants, il ne serait pas superflu que le Gouvernement envisage d’organiser, à mi-parcours des mandats locaux en cours, des assises nationales destinées à une évaluation des performances de notre système de décentralisation. Ça sera l’occasion d’identifier les points de faiblesse et d’apporter les corrections nécessaires.
La décentralisation que nous avons voulue et que mettons en œuvre est un projet collectif qui transcende les clivages politiques, ethniques ou religieux. Elle est l’affaire de tous les Tchadiens, car elle concerne directement leur quotidien et leur avenir.
Ce séminaire est une étape cruciale dans ce processus. Je souhaite qu’il débouche sur une feuille de route concrète, assortie d’un calendrier précis et de mécanismes de suivi-évaluation. Cette feuille de route doit être largement diffusée et expliquée à l’assemblée des forces vives pour une meilleures appropriation.
Mesdames et Messieurs,
Nous sommes à une étape cruciale de la transformation profonde de notre modèle de gouvernance territoriale qui exige persévérance et sens de responsabilité.
Je suis conscient des défis qui nous attendent et des résistances que nous devrons surmonter. Mais je suis également convaincu que cette réforme est essentielle pour l’avenir de notre pays. En rapprochant les décisions des citoyens, en valorisant les initiatives locales, en renforçant la responsabilité des élus, nous construisons un Tchad plus démocratique, plus efficace et plus solidaire.
En tant que garant de la Constitution, je n’accepterai aucune entrave susceptible de compromettre la mise en œuvre pleine et entière de la décentralisation.
C’est avec cette forte conviction et cette grande espérance légitime que je déclare ouvert les travaux du Séminaire National sur la Décentralisation.
Que Dieu vous Bénisse,
Que Dieu Bénisse leTchad.
Je vous remercie ! », Mahamat Idriss Deby Itno