Benny Gantz, une main de fer dans un gant de velours

Ancien chef de l’armée, le centriste Benny Gantz affiche une image de « Monsieur Propre » de la politique face à son rival aux élections en Israël, Benjamin Netanyahu inculpé pour corruption, dont il partage toutefois une vision sécuritaire musclée.

A 60 ans, celui qui se veut pragmatique face aux idéologies radicales de la droite va tenter pour la troisième fois en moins d’un an d’obtenir suffisamment de voix pour former une coalition gouvernementale.

Ce père de quatre enfants, à l’attitude décontractée et abordable, n’avait aucune expérience politique lorsqu’il s’est jeté dans l’arène il y a un an pour former un nouveau parti, Kahol Lavan, « Bleu-blanc » en français, les couleurs du drapeau israélien.

Mais en fédérant les opposants au Premier ministre, il a réussi, avec sa liste regroupant des personnalités de gauche et de droite, à terminer ex-aequo avec M. Netanyahu aux législatives d’avril et de septembre 2019.

Son but est clair: chasser Benjamin Netanyahu, au pouvoir sans discontinuer depuis dix ans et dont le procès pour corruption s’ouvre le 17 mars.

« Le monde doit savoir que nous sommes pragmatiques et voyons uniquement le bien de l’Etat sans se préoccuper d’intérêts personnels », estime celui qui dit vouloir restituer un sens de « l’honneur » à la fonction de Premier ministre.

– « Honnêteté » –

Pur « sabra », terme désignant les juifs nés en Israël, ce fils d’immigrants rescapés de la Shoah est né le 9 juin 1959 à Kfar Ahim, un village du Sud.

Le jeune Gantz rejoint l’armée en 1977. Parachutiste, il gravit les échelons et obtient le grade de général en 2001 avant de devenir chef d’état-major de 2011 à 2015.

Dans un pays où l’armée est fédératrice, cet homme de 1m95 aux yeux bleus bénéficie d’une grande aura conférée par ses faits d’armes et son rang d’ancien commandant des armées.

« Il n’a pas laissé de traces indélébiles dans l’armée, mais a conservé une image de stabilité et d’honnêteté », selon Amos Harel, journaliste spécialiste des affaires militaires au quotidien Haaretz.

S’il propose une vision plus libérale de la société que M. Netanyahu, et souhaite mettre en place un gouvernement laïc favorable au mariage civil, ce qui n’est pas d’usage en Israël, il soigne, comme le Premier ministre, son image de faucon.

Il affirme vouloir conserver le contrôle militaire israélien sur la majeure partie de la Cisjordanie occupée, annexer la vallée du Jourdain et mettre fin aux attaques à partir de Gaza sur Israël.

Lors de la dernière guerre à Gaza contrôlée par les islamistes palestiniens du Hamas (2014), c’est lui qui était aux commandes et s’est targué du nombre de « terroristes » palestiniens tués dans un clip de campagne, sans évoquer les victimes civiles.

Il a accusé le gouvernement actuel de « faire trop de concessions » et promis d’imposer « une politique de dissuasion » contre le Hamas à qui Israël a livré trois guerres depuis 2008.

– « Fréquentes bourdes » –

Cultivant son image de « dur à cuire », M. Gantz a multiplié les appels du pied en direction de l’électorat de droite, poussant M. Netanyahu à le qualifier de « pâle imitation » de sa personne.

« Soudain, tout le monde est de droite », a ironisé le Premier ministre.

Le Likoud a publié une vidéo avec des extraits d’interventions de Benny Gantz durant lesquelles il a commis des bourdes, confondant des noms ou bégayant lors de discours de campagne.

Interrogé par un journaliste à ce sujet, Benny Gantz a répondu que parfois « il pense plus vite qu’il ne parle ».

« Je ne fais pas carrière à la télévision, je ne suis pas présentateur au journal télévisé, je suis un leader avec derrière lui près de 40 ans de direction dans l’armée », a-t-il asséné.

Benny Gantz est titulaire d’une licence d’histoire de l’université de Tel-Aviv, d’un master en Sciences politiques de l’université de Haïfa et d’un master en gestion de ressources nationales de la National Defense University aux Etats-Unis.

Face au brillant orateur qu’est Benjamin Netanyahu, aura-t-il convaincu les électeurs de voter pour lui? La question reste ouverte.

Pete Buttigieg, le jeune maire de l’Indiana qui rêvait de Maison Blanche

A 38 ans, il rêvait de « faire mentir les sceptiques » et d’accéder à la Maison Blanche. Pete Buttigieg n’a pas réussi son coup. Mais il a marqué les esprits.

La voix de ce trentenaire polyglotte ouvertement homosexuel a fait souffler un vent frais sur les primaires démocrates dont les deux favoris – Bernie Sanders et Joe Biden – sont septuagénaires et ont siégé pendant des décennies au Sénat.

Doté d’un patronyme imprononçable – dont il avait fait un argument de campagne – il s’était lancé sans autre expérience que la gestion pendant huit ans de la ville de 100.000 habitants où il est né, South Bend, dans l’Indiana.

Très à l’aise durant les débats ou sur les estrades de campagne, « Mayor Pete » était mû par une indéniable confiance en lui, qualifiée d’arrogance par ses détracteurs qui ironisaient sur ce jeune homme trop impatient.

Sa victoire initiale dans l’Iowa lui avait laissé entrevoir l’hypothèse d’un succès final face à des candidats entrés en politique avant sa naissance. Mais son absence de soutien chez les Noirs, électorat traditionnel des démocrates, lui a coûté cher.

Sa foi en son destin ne date pas d’hier. Lycéen, Pete Buttigieg se souvient d’avoir levé la main quand un professeur demanda qui aimerait devenir président.

– Harvard, Oxford, McKinsey –

Peter Paul Montgomery Buttigieg est né le 19 janvier 1982 à South Bend, de parents professeurs d’anglais à l’université de Notre Dame. Son père, spécialiste du philosophe marxiste Antonio Gramsci, était un immigré maltais venu faire son doctorat aux Etats-Unis, où il a rencontré sa mère.

Fils unique, Pete Buttigieg excelle à l’école. Son parcours est typique des premiers de la classe: il entre à Harvard, obtient une bourse prestigieuse et part deux ans à Oxford, avant d’être recruté par le grand cabinet de conseil McKinsey, en 2007: « rien de très excitant », selon lui.

A 25 ans, la politique le ramène à South Bend. Il se présente à l’élection de trésorier de l’Indiana et est largement battu. Mais en 2011, le poste de maire s’ouvre et il se fait élire. Ce sera son tremplin.

Réserviste de la Navy depuis quelques années, le maire est envoyé sept mois en Afghanistan en 2014, comme analyste de renseignement.

Avait-il déjà des arrière-pensées politiques au moment d’entrer dans l’armée? « Si la réponse était oui, est-ce que cela rendrait mon service moins pur? » a-t-il répondu dans le podcast The Daily.

Toutes ces années, il vit avec un secret enfoui: il est homosexuel. « Si vous m’aviez donné une pilule pour devenir hétéro, je l’aurais avalée avant même le verre d’eau », a-t-il confié l’an dernier.

Son coming-out, il ne le fera qu’en 2015, avant d’être réélu maire. Par une application de rencontre (Hinge), il rencontre ensuite Chasten Glezman, qui prendra son nom de famille après leur mariage en 2018. Le couple veut des enfants.

« Mon mariage avec Chasten », dit-il, « m’a rapproché de Dieu ».

Pete Buttigieg cultive cette image d’homme du Midwest, traditionnel, croyant (baptisé catholique, il va dans une église épiscopalienne). Au point qu’il est caricaturé dans la célèbre émission Saturday Night Live comme un gentil garçon timide et ennuyeux.

Quand il se déclare officiellement candidat, en avril 2019, il concède « l’audace » de sa candidature — allusion évidente à « l’audace d’espérer » professée par Barack Obama en son temps.

« Chaque fois que mon parti est entré à la Maison Blanche ces cinquante dernières années, ce fut avec un candidat nouveau venu sur la scène nationale », dit-il aussi en évoquant Jimmy Carter, Bill Clinton et Barack Obama.

La comparaison est très avantageuse: les deux premiers étaient gouverneurs, le dernier sénateur. Mais il est vrai que le camp Obama a tôt remarqué le jeune maire aux phrases ciselées et à la voix de baryton.

Peu après la victoire de Donald Trump, le président sortant avait été interrogé par le New Yorker sur la relève démocrate. M. Obama avait cité un sénateur et une sénatrice, puis ajouté: « Et puis il y a ce gars de South Bend, dans l’Indiana, le maire », sans se souvenir de son nom.

Primaires démocrates: ce qu’il faut savoir sur le « Super Tuesday »

Après un goutte-à-goutte de scrutins, les primaires démocrates prennent une toute autre ampleur mardi avec l’avalanche de votes du « Super Tuesday », qui pourrait avoir un impact décisif sur la course pour désigner le rival du président républicain Donald Trump en novembre.

Grand favori, Bernie Sanders parviendra-t-il à prendre une avance pratiquement imparable? L’ancien vice-président Joe Biden fera-t-il assez bien pour s’installer en alternative modérée au sénateur indépendant? M. Biden devrait bénéficier du retrait surprise du trentenaire Pete Buttigieg. En perte de vitesse, les sénatrices Elizabeth Warren et Amy Klobuchar survivront-elles et quel sera l’impact de l’entrée en lice tant attendue du multi-milliardaire Michael Bloomberg?

Le suspense reste entier.

– 14 Etats aux urnes –

Depuis la pointe nord-est des Etats-Unis jusqu’au milieu du Pacifique, les primaires démocrates organisées mardi couvrent un immense territoire: 14 Etats ainsi que les îles Samoa américaines et les électeurs démocrates vivant à l’étranger.

La Californie, Etat farouchement progressiste aux 40 millions d’habitants, pèsera de façon décisive. Le Texas (30 millions d’habitants) sera l’autre poids lourd de la journée.

Puisque les Etats du « Super Tuesday » reflètent la diversité sociale et économique des Etats-Unis, cela sera l’occasion pour les candidats de démontrer qu’ils peuvent séduire partout… ou au contraire de voir exposée au grand jour leur incapacité à convaincre des électeurs assez variés pour avoir une chance de remporter la Maison Blanche.

Avec un territoire si vaste et divers modes de scrutin, notamment par courrier, les résultats pourraient mettre du temps à arriver.

– Un jackpot de délégués? –

Plus encore que le nombre d’électeurs, c’est surtout le fait que plus d’un tiers des délégués seront distribués d’un coup qui fait de cette journée un moment clé dans le calendrier électoral américain.

Car pour décrocher l’investiture démocrate, un candidat doit afficher une majorité absolue (1.991) de ces délégués, assignés proportionnellement aux scores engrangés dans chaque primaire.

Or 1.357 délégués seront attribués lors du seul « Super Tuesday ». Par comparaison, seuls 155 ont été distribués jusqu’ici.

Bernie Sanders domine les sondages dans les deux Etats les plus riches en délégués: la Californie (415 délégués) et le Texas (228).

Il faut impérativement qu’un candidat fasse plus de 15% pour recevoir des délégués.

Ce qui représente un danger potentiel pour les candidats modérés, qui se divisent les suffrages face à Bernie Sanders.

– Bloomberg entre en piste –

Après avoir déjà dépensé plus d’un demi-milliard de sa fortune personnelle pour financer ses publicités de campagne, l’ancien maire de New York va pour la première fois affronter le verdict des urnes.

Un premier débat raté et une deuxième performance peu convaincante ont fait baisser sa courbe dans les sondages mais il figure toujours en troisième place, derrière Bernie Sanders et Joe Biden.

– Vers une absence de majorité? –

Le prétendant démocrate à la Maison Blanche sera officiellement désigné lors d’une convention organisée, du 13 au 16 juillet, à Milwaukee dans l’Etat du Wisconsin.

Fait rare: avec une course aussi haletante, il est possible qu’aucun candidat n’arrive avec en poche la majorité absolue nécessaire pour gagner.

Le grand favori Bernie Sanders argue déjà que celui qui aura alors le plus de délégués devrait être désigné vainqueur. Mais il est seul, ses rivaux appelant à s’en tenir aux règles du parti démocrate.

Celles-ci énoncent que si personne n’obtient la majorité lors d’un premier tour, les délégués dit « assignés » deviennent libres de voter pour quelqu’un d’autre au deuxième tour.

Et quelque 770 « super-délégués », des notables et élus du parti, entrent alors aussi en piste avec le pouvoir de faire basculer le scrutin.

Du fait de son statut d’ancien vice-président, Joe Biden est lui-même un « super-délégué ».

Avortement aux Etats-Unis: le droit et la pratique

La Cour suprême des Etats-Unis se penche à nouveau mercredi sur le droit des femmes à avorter qu’elle a reconnu il y a près d’un demi-siècle, mais dont l’application est très variable d’un Etat à l’autre.

– Le cadre législatif

Dans son arrêt emblématique Roe v. Wade, la Cour suprême des Etats-Unis a reconnu en 1973 un droit des femmes à avorter dans l’ensemble du pays.

Elle a précisé en 1992 que les femmes pouvaient décider d’interrompre leur grossesse tant que le foetus n’était pas viable, ce qui est généralement compris autour de la 24e semaine.

Si les 50 Etats conservent le droit de légiférer en matière d’avortement pour assurer que la santé des femmes n’est pas compromise, ils n’ont pas le droit de créer un obstacle insurmontable pour les patientes, a-t-elle également jugé.

– Le patchwork géographique

La notion d’obstacle insurmontable étant sujette à interprétation, les Etats conservateurs et religieux du sud et du centre du pays ont multiplié les législations pour restreindre l’accès à l’avortement.

Ces lois ont poussé de nombreuses cliniques à mettre la clé sous la porte. Six Etats (dont le Mississippi ou le Missouri) n’ont plus qu’une structure pratiquant des IVG, alors qu’il y en a plus de 150 en Californie.

D’autres textes obligent les médecins à faire entendre les battements de coeur du foetus à leur patiente, à leur parler d’un lien (non prouvé) entre l’avortement ou le cancer du sein ou encore de la souffrance présumée du foetus.

– Les chiffres

Un peu plus de 862.000 avortements ont été réalisés en 2017 aux Etats-Unis, ce qui revient à 13,5 interruptions volontaires de grossesse (IVG) pour 1.000 femmes en âge de procréer, un taux comparable à la France ou la Grande-Bretagne et en baisse régulière depuis des décennies, selon l’institut Guttmacher.

Mais là encore, les écarts sont importants entre les côtes et le Centre ou le Sud: d’après le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), le taux d’avortement est de 6,2 pour 1.000 en Alabama (Sud) et de 23,1 pour 1.000 dans l’Etat de New York.

– Les clivages dans l’opinion

Le sujet de l’avortement est extrêmement clivant aux Etats-Unis: 58% des Américains estiment que l’avortement devrait être légal, et 37% souhaitent son interdiction, selon un sondage du Centre de recherches Pew de 2018.

Les différences d’opinion suivent en grande partie les lignes partisanes avec des démocrates largement favorables au droit des femmes à avorter, et des républicains, surtout dans les milieux évangéliques, majoritairement opposés aux IVG.

– L’offensive récente

Lors de sa campagne 2016, Donald Trump a courtisé la droite religieuse en promettant de nommer à la Cour suprême des Etats-Unis des juges opposés à l’avortement. Depuis son arrivée à la Maison Blanche, il y a fait entrer deux nouveaux magistrats (sur neuf juges au total).

Leur arrivée a galvanisé les opposants à l’avortement dans les Etats de la « Bible Belt » qui ont adopté une série de lois en contradiction flagrante avec la jurisprudence de la Cour suprême, allant jusqu’à interdire d’avorter même en cas de viol (en Alabama).

Ces textes ont été logiquement bloqués en justice mais leurs promoteurs ont l’intention de multiplier les appels jusqu’à la haute Cour pour lui fournir l’occasion de revenir sur son arrêt de 1973. Cela permettrait à chaque Etat de faire ce qu’il veut et augmenterait encore les inégalités territoriales.

Sans aller jusque là, il est possible que la haute juridiction « grignote » peu à peu le droit à l’avortement en validant encore plus de lois restrictives.

Netanyahu, le maître de la survie politique

Premier ministre le plus pérenne de l’histoire moderne d’Israël, Benjamin Netanyahu est un « magicien » de la survie politique qui va devoir sortir deux lapins de son chapeau: remporter les élections de lundi puis « vaincre » la justice qui l’accuse de corruption.

Souvent surnommé « Roi Bibi » par ses partisans, il est devenu en novembre le seul chef de gouvernement en fonction de l’histoire israélienne à être inculpé par la justice. Avec à la clé un procès pour corruption, abus de pouvoir et malversation qui s’ouvre le 17 mars.

Voix rauque de ténor, cheveux argentés inamovibles, souvent vêtu d’un complet-cravate bleu sur chemise blanche, Benjamin Netanyahu, 70 ans, s’est imposé au coeur du système politique comme s’il en avait toujours fait partie.

Ce fin stratège, habitué au louvoiement, est pourtant le seul Premier ministre à être né après la création d’Israël en mai 1948.

Né à Tel-Aviv le 21 octobre 1949, il a hérité d’un bagage idéologique musclé par son père Benzion, qui était l’assistant personnel de Zeev Jabotinsky, leader de la tendance sioniste dite « révisionniste », favorable à un « Grand Israël » intégrant la Jordanie.

Aujourd’hui, Benjamin Netanyahu prône une vision d’Israël comme « Etat juif » avec des frontières s’étendant au nord-est jusqu’à la Jordanie, d’où sa promesse d’annexer la vallée du Jourdain située en Cisjordanie, territoire palestinien occupé.

– Le plus jeune –

Le jeune Netanyahu effectue son service militaire dans un commando prestigieux. Le Proche-Orient est alors dans l’après-guerre des Six Jours, qui a vu en 1967 Israël s’emparer des territoires palestiniens de Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-Est ainsi que du Golan syrien et du Sinaï égyptien.

Côté arabe, la défaite est amère. Hors du champ des armées classiques, de nouveaux acteurs s’imposent comme l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui regroupe des groupes armés palestiniens.

En 1976, le frère aîné de Benjamin, Yoni, commandant de l’unité chargée de libérer les otages d’un vol Tel-Aviv/Paris détourné par deux organisations palestinienne et allemande en Ouganda, est tué pendant l’assaut israélien.

Ce décès ébranle profondément Benjamin Netanyahu qui fera de la « lutte contre le terrorisme », qu’il associe souvent aux Palestiniens, l’un des fils conducteurs de sa carrière.

Orateur né, pugnace, il devient diplomate à Washington, puis ambassadeur à l’ONU dans les années 1980. De retour en Israël, il est élu député en 1988 sous la bannière du Likoud, grand parti de droite dont il devient, avec son style à l’américaine, l’étoile montante.

Pendant la guerre du Golfe de 1991, qui expose Israël à une pluie de missiles irakiens, il défend le point de vue israélien sur la chaîne américaine CNN. A l’aise devant la caméra, il connaît les codes des médias et maîtrise l’anglais, ayant fait ses études au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT).

Il continue son ascension jusqu’à une première consécration en 1996. A 47 ans, Benjamin Netanyahu triomphe alors du doyen Shimon Peres et devient le plus jeune Premier ministre de l’histoire d’Israël.

Mais son règne est de courte durée. Trois ans. Puis après une brève retraite, il retourne à sa passion: la politique. Et reprend la tête du Likoud, puis redevient Premier ministre en 2009.

– « Guerre personnelle » –

Depuis, Israël n’a connu que « Bibi », passé maître dans l’art de former des coalitions, de coopter des petits partis et des formations ultra-orthodoxes, pour asseoir son pouvoir.

Lui se présente comme le grand défenseur de l’Etat hébreu face à l’Iran, nouvel « Amalek », ennemi mortel des Hébreux dans la Bible. Ses adversaires décrivent plutôt un autocrate prêt à tout pour rester à son poste.

Idéologue ou pragmatique? C’est la grande question. « Bien que Benjamin Netanyahu sympathise avec la politique de son père, ses actions comme Premier ministre sont avant tout motivées par des considérations pragmatiques », écrit l’universitaire Neill Lochery dans une biographie récente.

Marié et père de trois enfants, Benjamin Netanyahu est désormais dans le collimateur de la justice pour corruption, fraude et abus de confiance dans des affaires de dons reçus de milliardaires, d’échanges de bons procédés avec des patrons d’entreprises, et de tentatives de collusion avec la presse.

Pour Gideon Rahat, professeur de sciences politiques à l’Université hébraïque de Jérusalem, il oscille entre « faucon extrémiste » et « modéré ».

Mais « depuis les accusations de corruption, il est plus à droite, plus enclin au populisme et à des lois antidémocratiques (…) Il se bat pour sa survie, pour éviter les tribunaux, c’est une guerre personnelle », dit-il.

Après son inculpation, des médias israéliens avaient déclaré la « fin de l’ère Netanyahu ». Mais ils pourraient encore attendre…

Iran: la chercheuse française Adelkhah de retour en prison après son hospitalisation

Fariba Adelkhah, une universitaire franco-iranienne détenue en Iran depuis juin, a retrouvé sa cellule de prison après avoir été hospitalisée, a indiqué samedi son avocat, disant continuer à craindre pour sa santé, et une éventuelle contamination au nouveau coronavirus.

Mme Adelkhah est revenue dans « la section pour femmes de la prison d’Evine », mais « continue de se plaindre de graves douleurs aux reins », a déclaré son avocat, Me Saïd Dehghan, qui a demandé son envoi dans un hôpital équipé de matériel radiographique.

Ces soucis de santé sont la conséquence de la grève de la faim menée par cette anthropologue renommée de fin décembre à mi-février, avait-il précisé antérieurement.

Alors que l’Iran recensait samedi 593 cas de contamination au nouveau coronavirus, dont 43 décès, Me Dehghan s’est cependant dit « inquiet d’une infection éventuelle » de Mme Adelkhah lors d’un passage à l’hôpital.

Son compagnon, l’universitaire français Roland Marchal, détenu comme elle depuis juin par la République islamique, « est malade et en mauvais état, mentalement et physiquement », a-t-il affirmé, alors que la première audience du procès de Mme Adelkhah et M. Marchal est fixée au 3 mars.

Il a indiqué avoir « recommandé d’annuler les visites conjugales entre les époux de peur d’une propagation du virus dans la prison, ce qui a été accepté par le chef de l’Organisation pénitentiaire ».

Une autre détenue, l’Irano-Britannique Nazanin Zaghari-Ratcliffe, a dit craindre d’avoir été contaminée par le nouveau coronavirus à la prison d’Evine, selon sa famille.

« Je ne vais pas bien. Je me sens très mal en fait. C’est un drôle de rhume, pas comme d’habitude », a-t-elle confié samedi, selon des propos reproduits dans un communiqué de ses soutiens.

Arrêtée en avril 2016 en Iran et condamnée à cinq ans de prison, Mme Zaghari-Ratcliffe a ajouté avoir de la fièvre, souffrir d’un « sévère mal de gorge » et tousser depuis plus d’une semaine.

En dehors de la Chine, épicentre de l’épidémie, l’Iran est le pays où ont été annoncées le plus de morts liées au nouveau coronavirus. Les autorités ont été accusées de minimiser le nombre de décès.

Au total, le nombre de cas de nouveau coronavirus dans le monde s’élevait à 85.919, dont 2.941 décès, dans 61 pays et territoires, selon un bilan établi par l’AFP à partir de sources officielles samedi à 17h00 GMT.

En Caroline du Sud, les démocrates cherchent le meilleur candidat pour battre Trump

Pour Travis Frierson, la priorité est claire: les Etats-Unis doivent absolument revenir à la « normalité » après quatre ans de présidence Trump. Le restaurateur de 43 ans vient de voter lors des primaires démocrates en Caroline du Sud, et sa voix est allée à l’ancien vice-président Joe Biden.

Mais d’autres électeurs se disent convaincus que pour empêcher le milliardaire républicain d’obtenir un second mandat en novembre, il faut une lame de fond semblable à celle qui a permis à Donald Trump d’arriver au pouvoir en 2016.

Et pour eux, c’est le sénateur et socialiste autoproclamé Bernie Sanders, avec sa promesse d’un système de santé universel et gratuit, qui incarne cette vague.

Ce qui est sûr, c’est que les avis sont tranchés.

« Trump est beaucoup trop radical et Bernie a le même genre de partisans. Il parle comme un dictateur », juge M. Frierson. « Moi je veux revenir à la démocratie ».

Par cette journée froide et ensoleillée dans la banlieue de Columbia, la capitale de Caroline du Sud, des dizaines d’électeurs attendent de faire leur choix devant une école transformée en bureau de vote.

M. Frierson est l’un d’eux.

« Je veux juste le meilleur candidat possible pour ramener le pays à la normalité », dit-il. « La normalité », insiste-t-il. « Une chose que nous avons considérée comme allant de soi pendant longtemps ».

– Biden ou Sanders? –

Après des résultats décevants lors des trois premiers scrutins de la primaire démocrate, Joe Biden compte sur la Caroline du Sud pour se refaire une santé et sauver sa campagne.

Les sondages le donnent pour favori ici, en grande partie grâce à sa popularité dans l’électorat noir.

Mais Bernie Sanders, arrivé en tête dans le New Hampshire et le Nevada et qui caracole actuellement au sommet des sondages au niveau national, talonne l’ancien vice-président en Caroline du Sud.

Les détracteurs du sénateur indépendant au sein même du parti démocrate pensent que son programme est trop radical et qu’il n’a aucune chance de battre l’actuel président.

Au contraire, rétorquent ses soutiens.

« Je pense qu’un progressiste a le plus de chances de battre Trump », affirme James Westmoreland, enseignant de 44 ans qui vient de donner sa voix à « Bernie ».

« J’ai l’impression que le pays est tellement divisé en ce moment, tout le monde semble aller vers les extrêmes », ajoute-t-il.

« Il y a peu de gens qui semblent aller vers le milieu. Alors nous avons besoin de quelqu’un qui aide à équilibrer les choses ».

Une électrice de 51 ans, qui ne souhaite être identifiée que comme Mme Kennedy, intervient pour dire qu’elle aussi votera pour Sanders.

Elle reconnaît que ce sera un défi de battre Trump dans les Etats conservateurs, mais qu’elle ne cèdera pas aux pressions des anti-Bernie.

Les Etats comme le Texas, l’Alabama et la Floride ne sont peut-être « pas prêts pour lui », admet-elle, mais « j’en ai assez du manque de respect dans notre pays. Tout le monde mérite d’être respecté ». Une allusion apparente à la polarisation de la société ces dernières années.

Si la victoire semble se profiler pour Joe Biden en Caroline du Sud, la popularité de Bernie Sanders doit « être suivie de près », juge Kendall Deas, professeur de science politique au College of Charleston.

L’élection de Trump en 2016, « ce fut un mouvement ». Et « en 2020, les démocrates vont peut-être devoir répondre avec un candidat qui soit lui aussi le reflet d’un mouvement pour contrer ce qui s’est passé avec l’élection de Trump » il y a quatre ans, dit-il.

Coronavirus: quelle est l’ampleur réelle de l’épidémie en Iran?

Des experts internationaux s’interrogent sur l’étendue réelle de l’épidémie de nouveau coronavirus en Iran, pays qui concentre déjà le plus grand nombre de morts hors de Chine et foyer de contamination qui pourrait propager la maladie dans la région.

Si Téhéran ne nie pas que l’épidémie « se propage » avec 43 décès confirmés et 593 cas, d’autres bilans non officiels sont beaucoup plus lourds.

Selon le service persan de la BBC, qui dépend du groupe audiovisuel britannique public, le nombre de morts s’élèverait à 210, un chiffre immédiatement démenti samedi par le ministère iranien de la Santé.

L’organisation d’opposition en exil des Moudjahidines du peuple, considérée comme « terroriste » par Téhéran, a pour sa part affirmé que l’épidémie avait fait « plus de 300 morts » et jusqu’à « 15.000 » infectés dans le pays.

Six épidémiologistes basés au Canada ont quant à eux estimé, via un modèle mathématique, que l’Iran pourrait avoir plus de 18.000 cas sur son sol.

Leurs calculs, pas encore validés par leurs pairs, prennent notamment en compte le nombre de cas dans des pays étrangers ayant pour origine un voyage en Iran.

« Quand un pays commence à exporter des cas vers d’autres destinations, il est très probable que l’infection dans ce pays soit significative », assure à l’AFP Isaac Bogoch, spécialiste des maladies infectieuses à l’université de Toronto et coauteur de cette étude publiée le 25 février sur la plateforme MedRxiv.

– « Position de faiblesse » –

Cette semaine, l’ONG Reporters sans Frontières s’est jointe au concert de critiques contre Téhéran sur cette crise, accusant le régime de dissimuler des informations sur la propagation du nouveau coronavirus.

« Les autorités affirment contrôler la situation, mais refusent de publier le nombre exact des personnes infectées et décédées », estime l’organisation.

Samedi, le porte-parole du ministère de la Santé Kianouche Jahanpour a réagi à ces critiques en accusant les médias étrangers de diffuser de fausses informations.

« Chez les radicaux en Iran, il y a une obsession de ne pas donner d’arme à l’ennemi et de ne pas apparaître en position de faiblesse », analyse Thierry Coville, spécialiste de l’Iran à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

« Parler du coronavirus sera bientôt considéré comme troubler l’opinion publique, agir contre la sécurité nationale et insulter le président! », s’inquiète pour sa part Assieh Bakeri, une Iranienne, sur Twitter.

– « C’est inquiétant » –

Un autre chiffre interpelle: avec plus de 7% de décès pour le nombre de cas recensés, l’Iran affiche un ratio « nombre de cas/nombre de morts » largement plus élevé que celui des autres pays.

En Chine, il est par exemple deux fois moins élevé (3,5%), tout comme en Italie (2%), deux pays fortement touchés.

« En Iran, les premiers cas ont été détectés avec le décès de patients. Donc si on calcule le ratio entre le nombre de cas et le nombre de morts de cette façon, il sera très élevé », explique à l’AFP Cécile Viboud, épidémiologiste au National Institutes of Health (Etats-Unis).

Quelle que soit la véracité des chiffres officiels, l’Iran est sans conteste l’un des principaux foyers de contamination hors de Chine.

Une situation aggravée par la situation économique actuelle. Le pays traverse une crise majeure avec le rétablissement depuis 2018 de sanctions américaines qui affectent particulièrement ses exportations de pétrole.

« Pourquoi l’Iran n’a-t-il pas arrêté les vols vers la Chine? Il y a une explication rationnelle: la Chine est l’un des derniers pays à leur acheter du pétrole. Ils ont besoin de maintenir ce lien économique », rappelle Thierry Coville.

« Avec les sanctions, on peut dire que le gouvernement a perdu au moins 30% de ses recettes budgétaires. Cela a forcément un impact sur leur système de santé », ajoute le chercheur.

Situé aux portes du Moyen-Orient et de certains pays à la situation humanitaire délicate, ce foyer a de quoi inquiéter.

« C’est inquiétant, tant pour la santé publique en Iran que par la forte probabilité d’une propagation aux pays voisins dont les capacités à répondre à une épidémie d’une maladie infectieuse sont plus faibles », soulignent les épidémiologistes canadiens dans leur étude.

Plusieurs pays comme le Qatar, l’Azerbaïdjan, le Liban ou encore l’Irak ont enregistré des cas de contamination sur leurs sols de personnes revenant d’Iran.

Les autorités iraniennes ont commencé à prendre des mesures pour endiguer la propagation de l’épidémie: annulation de la grande prière du vendredi dans plusieurs villes, fermetures de toutes les écoles jusqu’à mardi, fermeture du Parlement « jusqu’à nouvel ordre » et restrictions à la libre circulation dans le pays.

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Un salon de l’agriculture au goût d’inachevé

Le salon de l’agriculture, qui se termine samedi soir, laisse de nombreuses questions en suspens pour l’avenir des agriculteurs, des revenus aux retraites en passant par l’accompagnement de la transition environnementale. Ce qu’il faut retenir de cette 57e édition.

Coronavirus

Rattrapé par l’inquiétude liée à l’épidémie de Covid-19, l’événement, qui figure parmi les plus grands salons commerciaux de France, ferme ses portes samedi soir avec 24 heures d’avance et n’a pas connu la fréquentation habituelle.

En 2019, il avait attiré quelque 630.000 personnes. « Nous n’avons pas encore les chiffres de fréquentation totale, mais nous pouvons dire qu’elle est à la baisse par rapport à l’an dernier, et que le coronavirus y a fortement contribué », en particulier sur les derniers jours, a déclaré samedi à l’AFP le président du salon, Jean-Luc Poulain.

Macron veut calmer les tensions

Le président Emmanuel Macron était très attendu sur deux questions lors de sa visite inaugurale: les épandages de pesticides près des habitations avec les fameuses zones de non-traitement (ZNT), et les retraites du monde paysan.

Dans les deux cas, il a tenté de donner des gages aux agriculteurs.

Sur les retraites, il a jugé « impossible » de revaloriser les pensions actuelles à 85% du Smic, une mesure prévue dans le futur système mais qui coûterait trop cher à appliquer aux agriculteurs déjà à la retraite.

Mais il a fait une ouverture: pour « les retraités actuels, je ne pense pas qu’il faut le mettre dans le système des retraites, mais dans la loi de financement de sécurité sociale, on peut un peu améliorer les choses ».

Concernant les ZNT, effectives depuis le 1er janvier, Emmanuel Macron a suggéré que ces bandes de terres agricoles non cultivées puissent à l’avenir être « valorisées », promettant que les agriculteurs seraient « accompagnés » financièrement. Il s’est engagé à assurer une « sécurité juridique » pour que les prochains semis se fassent « dans un cadre apaisé ».

Revenu

La question du revenu des agriculteurs, et particulièrement des éleveurs de vaches à viande, a dominé le salon.

En arrivant avec la vache Idéale, égérie du salon, son éleveur Jean-Marie Goujat a défendu la cause de sa profession, interpellant le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume devant de nombreux journalistes.

Il est encore trop tôt pour faire un bilan définitif des négociations commerciales annuelles, mais la loi Alimentation, qui était censée ramener du revenu dans les cours de fermes, n’a semble-t-il toujours pas porté ses fruits cette année, hormis pour certains secteurs comme le lait.

« Le problème numéro un, c’est le revenu des éleveurs. Aujourd’hui le compte n’y est pas encore, ils doivent être rémunérés à leur juste valeur et vivre décemment », avait reconnu Didier Guillaume en début de salon.

Controverses

Le site d’information Médiapart a publié une enquête en trois volets mettant en cause la FNSEA, notamment sur les niveaux de salaires de certains de ses dirigeants et sa gestion d’un fonds paritaire pour l’emploi.

Parlant de « règlement de comptes », de « vendetta », le syndicat a réfuté ces mises en cause. « Ils ont essayé de ternir l’image de la FNSEA en lançant leurs éléments avant le salon, ça n’a pas pris, et nous n’avons pas dans notre réseau de protestations », a affirmé Christiane Lambert, la présidente du syndicat, en marge d’un point presse au salon.

Une autre polémique a été déclenchée par l’organisation de défense des animaux L214, qui a demandé la fermeture d’un abattoir de veaux situé en Dordogne après diffusion d’une vidéo montrant selon elle des infractions « multiples ».

Les autorités avaient initialement assuré n’avoir pas décelé de « non-conformité à la réglementation », mais L214 est revenue à la charge: des échanges de courriels internes au ministère de l’Agriculture, adressés par erreur à l’association, montraient selon elle que les infractions « sont avérées ».

Après cet épisode et une enquête vétérinaire sur place, le ministère a finalement retiré l’agrément de l’abattoir, le temps de prendre des mesures correctives.

L’article 49-3 de la Constitution utilisé par Edouard Philippe

L’article 49-3 de la Constitution, auquel Edouard Philippe recourt pour le projet de réforme des retraites, permet au Premier ministre d’engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur un texte de loi, pour le faire adopter sans vote.

Sous la Ve République, cet outil a déjà été utilisé quelque 90 fois. L’article 49-3 s’est « progressivement mué en une arme multifonctionnelle, donnée à des Premiers ministres qui abusèrent des facilités qu’elle leur offrait », notait le spécialiste du droit constitutionnel Guy Carcassonne dans son ouvrage « La Constitution ».

Initialement prévu pour « remédier à l’absence de majorité », il peut aussi servir en cas d' »impatience de la majorité » pour abréger les débats, comme pour cette réforme des retraites qui patinait.

Le projet de loi est considéré comme adopté, sans vote, sauf si une motion de censure, déposée dans les 24 heures, est votée par l’Assemblée nationale. La motion est débattue au plus tôt 48 heures après son dépôt, et, si elle est approuvée par la majorité absolue des députés, le gouvernement doit démissionner.

L’article 49-3 ne peut être utilisé que sur un projet de loi budgétaire et un seul autre type de texte durant la session parlementaire. Mais une fois que le Conseil des ministres l’a autorisé, le Premier ministre peut le dégainer à chacune des lectures successives devant l’Assemblée nationale.

En revanche, il ne peut être utilisé devant le Sénat, celui-ci n’ayant pas le pouvoir de renverser le gouvernement.

Cette procédure est en principe peu risquée pour le gouvernement, car il est politiquement difficile à des députés de la majorité, même très critiques, de voter une motion de censure de l’opposition. Dans le cas présent, Edouard Philippe ne prend même aucun risque alors que sa majorité est largement assurée sur la réforme des retraites. C’est la première fois qu’il fait usage de cette arme de la Constitution.

Sous la Ve République, une seule motion de censure a été votée, en 1962, contre le gouvernement de Georges Pompidou. Le général de Gaulle, président de la République, avait alors dissous l’Assemblée, et les législatives s’étaient soldées par une large victoire de ses partisans.

Mais l’article 49-3 constitue souvent pour un gouvernement l’aveu de son impuissance à faire voter des textes cruciaux. Minoritaire à l’Assemblée nationale, le Premier ministre Michel Rocard (1988-1991) l’avait souvent utilisé.

Le dernier recours au 49-3 par un gouvernement de droite remonte à 2006 lorsque Dominique de Villepin avait fait passer le projet de loi Egalité des chances instaurant le Contrat première embauche (CPE), qui n’a finalement jamais vu le jour.

Manuel Valls l’a utilisé trois fois en 2015 pour faire passer la loi « pour la croissance et l’activité » de son ministre de l’Economie, Emmanuel Macron… alors très réticent.

Puis en 2016, il y a eu à nouveau recours à trois reprises pour faire adopter la loi Travail de Myriam El Khomri, ce qui avait poussé 56 députés de la majorité à tenter en vain de déposer une inédite motion de censure contre le gouvernement.

Lionel Jospin et François Fillon n’ont jamais utilisé le 49-3 quand ils étaient Premier ministre.