Tchad: la loi sur la presse a été aménagée

Cela s’est fait lors de la séance plénière qu’ont tenue les députés ce lundi 26 novembre 2018, au Palais de la Démocratie à N’Djamena.

 

L’ordonnance n°025 portant régime de la presse écrite et média électronique au Tchad, et l’ordonnance n°16/PR/2018 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Haute Autorité des Médias et de l’Audiovisuel (HAMA), ont été adoptés par les députés à leur séance plénière de ce lundi 26 novembre 2018, au Palais de la Démocratie à N’Djamena.

C’est par 118 voix pour, 28 contre et 11 abstentions, à l’issue d’un débat très houleux, que les deux ordonnances régissant désormais la presse au Tchad ont été avalisés. Ces deux textes juridiques ainsi « réajustent » le secteur de la communication.

L’ordonnance n°16, du 30 mai 2018, sur la HAMA, qui vient d’être ratifié par l’Assemblée nationale, apporte des modifications à la loi n°19 du 20 octobre 2003, portant composition, organisation, fonctionnement et attributions du Haut Conseil de la Communication. L’ordonnance n°025, du 29 juin 2018, sur le régime de la presse et média électronique ratifié par les députés, apporte quelques modifications à la loi n°17 relatif au régime de la presse au Tchad.  Le gouvernement justifie que la révision de ces deux lois vise à répondre : « aux exigences de la démocratie et de l’évolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication ».

Dans les discussions générales, beaucoup de députés ont jugé ces lois contre les principes de base de la démocratie en République du Tchad. Le député Béral Mbaïkoubou, de l’opposition, trouve que ces textes sont inquiétants. Selon lui, le HCC, sur la cendre de qui poussera désormais la HAMA, est une massue sur les journalistes. « Ces textes viennent tenir les journalistes en joue pour faire plaisir à on ne sait qui. La HAMA ne désignera pas les directeurs des organes de presse, mais elle aura quand même la possibilité de les limoger. Le pouvoir de limoger est lié à celui de recruter. C’est la première absurdité. En second lieu ce même texte autorise la HAMA de flanquer des amendes à des organes de presse qui se rendraient coupables de certains délits. Mais au nom de quoi ? A quoi va servir la justice alors » s’est interrogé le député Béral Mbaïkoubou.

Le député Moussa Kadam de la majorité rétorque que : « il ne faut pas intervenir de manière péremptoire, au risque de devenir complètement ignorant de l’arsenal juridique existant. » Selon lui, ceux qui s’attaquent de manière péremptoire à ces textes auraient pu relever les mots ou les articles qui sont une nouveauté et en quoi ils s’écartent des dispositifs actuels. « Dans quel pays au monde a-t-on cette liberté de ton, cette écriture débridée ? Jusqu’aux insanités, aux ignorances les plus abjectes. Y-a-t-il un prisonnier politique ? Y-a-t-il un journaliste en prison ? S’il l’est, c’est dans ces déboires du quartier », tranche le député Moussa Kadam, par ailleurs premier vice-président de l’Assemblée nationale.

Répondant aux préoccupations soulevées par les élus du peuple, le ministre de la Communication porte-parole du Gouvernement, Oumar Yaya Hissein, assure que le gouvernement n’a pas l’intention de museler la presse. Pour lui, une entreprise de presse ne doit pas être confondue à n’importe quelle autre entreprise, car un organe de presse a ses règles et il faut tenir compte de cette sensibilité.

« Nous avons créé ces arsenaux juridiques, pour placer des garde-fous, pour éviter le débordement. Si on insiste sur le métier, c’est parce que c’est un métier spécial. Si le droit de communication est instauré à l’école de journalisme, ce n’est pas pour rien. Un journaliste professionnel, même s’il a des insuffisances, il est mieux que quelqu’un qui n’a pas été appris le métier », a affirmé le ministre de la Communication.

La ministre des Postes et des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, Mme Ndolenodji  Alixe Naïmbaye, emboitant le pas à son collègue invite les députés à se référer à l’article 12 de l’ordonnance n°16, qui dit que : « les décisions de la HAMA sont susceptibles de recours devant les juridictions compétentes. Les modes de désignations sont telles qu’elles sont mais n’influencent pas les décisions prises au sein de l’organe de régulation ». Mme Ndolenodji Alixe Naïmbaye explique que, le principe même de la liberté d’expression n’inclut pas une liberté absolue des paroles et de débordement et ces textes viennent encadrer une activité qui touche directement non seulement une vie publique, mais aussi à la vie personnelle.

Le président de l’Assemblée nationale, Haroun Kabadi, appelle le Gouvernement à « l’application apaisée de ces textes ». Il observe qu’il y a des non journalistes qui sont capables de beaucoup de choses. « Au Tchad, ceux qui ne sont pas allés à l’école sont les grands gaffeurs.  Ce n’est qu’un constat que je fais, me concernant moi-même d’abord. Donc il y a des journalistes qui n’ont pas l’éthique. C’est la carapace nécessaire pour faire un travail professionnel. Et il faut bien corriger cela », avertit-il.

Communication : la HAMA vient remplacer le HCC

C’est la Haute Autorité des Médias et de l’Audiovisuel (HAMA) qui aura désormais la charge de toutes les questions concernant la communication du pays

 

Le président de la République s’apprête à promulguer l’ordonnance portant création de la Haute Autorité des Médias et de l’Audiovisuel (HAMA). L’HAMA remplacera désormais le Haut Conseil de la Communication (HCC). Cette mutation annonce des nouveautés dans la régulation des médias.

Cette nouvelle institution est l’une des recommandations du forum national inclusif. Le président de l’actuel organe de régulation a souligné que les journalistes l’avaient déjà sollicité, lors des états généraux de la presse en 2009. C’est donc une nouvelle ère qui commencera avec la HAMA, « une ère où la compétitivité sera la règle ».

« Dans la régulation des médias au Tchad, la Télé Tchad n’aura plus le monopole. Il y aura d’autres chaines de télévision qui vont s’installer au Tchad. Certaines auront leur siège à N’Djamena, au Tchad, et d’autres en dehors du territoire tchadien. Nous allons exiger des compétences de professionnalisme des journalistes qui travaillent dans les journaux. Ne peut être journaliste que celui qui sort d’une école de journalisme, ou celui qui a au moins un diplôme de l’enseignement supérieur minimum de deux ans. Il n’y aura plus d’aventurier dans les rédactions », a souligné l’actuel président du HCC.  La création de la Haute Autorité des Médias et de l’Audiovisuel va également marquer la reconnaissance par les autorités du secteur de la presse en ligne.

Le Haut Conseil de la Communication (HCC) avait été créée par Loi 012/PR/1994 du 09 avril 1994, modifiée par la Loi 19/PR/2003 du 24 octobre 2003. C’etait une autorité administrative et indépendante, chargée de garantir la liberté de l’information et de la communication.Entre autre mission, elle était chargé d’assurer la liberté et la protection de la presse, garantir l’accès aux sources d’information et aux moyens publics d’information. Il doit, par ailleurs, veiller au respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans la presse et la communication audiovisuelle.